La RN113 traverse aujourd’hui la ville d’Arles avec une densité de trafic très importante, entrainant de fortes nuisances atmosphériques et sonores. Le projet de contournement se propose de remédier en partie à ces nuisances. Est-ce réaliste ? Quel impact aura ce contournement sur notre cadre de vie et nos paysages ? Quel avenir pour la RN113 actuelle ?

Avec la participation de Dany Karcher, ancien maire de Kolbsheim qui s’est mobilisé contre le contournement autoroutier de Strasbourg et Jean-Luc Moya, fondateur de l’association Agir pour la Crau, animée par Virginie Maris de Changeons d’Avenir.

I. Pollutions et nuisances

Pour évoquer la question du cadre de vie d’Arles liée à ce contournement autoroutier, il faut évoquer la question très prégnante de la pollution de l’air et la re-contextualiser, notamment au niveau de l’engagement de l’État en matière de réduction de la pollution de l’air et des gaz à effets de serre.

L’objectif national est de réduire les émissions de GES de 40% en 2030 par rapport aux données de 1990. Nous sommes actuellement en retard sur cet objectif.

Sont particulièrement visés les oxydes d’azotes qui sont les principaux polluants atmosphériques et dont l’origine est due à 55%, aux transports routiers. Il est à rappeler que la pollution de l’air est la troisième cause de mortalité évitable dans le pays. La France a été condamnée à plusieurs reprises et risque de l’être encore prochainement pour le non-respect de la directive européenne concernant la qualité de l’air, et notamment sur le fait qu’elle ne respecte pas la valeur limite annuelle sur le dioxyde d’azote, et ce depuis 2010. Ça fait 10 ans que la France est déjà en infraction sur cette question importante.

Cela peut sembler déconnecté de ce projet, mais ça pose au contraire le cadre légal autour de celui-ci. On est alors en droit de se poser la question de savoir si ce projet participe aux objectifs de la France de réduire ses émissions de GES.

Le principal problème de ce projet réside dans le fait que la pollution de l’air ne sera pas réduite, mais déplacée. En 2028 les trafics cumulés du contournement et de l’axe actuel seront assez similaires à celui du trafic actuel. Il n’y a donc guère de chance de voir la pollution globale diminuer. Une partie en sera déplacée juste au sud de la ville, mais cela reste des gaz diffus, il ne faut pas croire que la pollution reste aux abords immédiats des routes.

En regardant en détail les cartes fournies par la DREAL concernant les estimations d’émissions des oxydes d’azote en 2028, on peut toutefois constater une amélioration notable au niveau de Trinquetaille, en particulier au Vittier et à Saint-Genest. Il est difficile de parler d’amélioration sur le quartier de la Roquette, tant celui-ci reste concerné par une forte pollution. Par ailleurs, les habitants de Raphèle, Balarin ou encore Saint-Martin seront plus exposés. Sans oublier les futurs riverains ruraux du contournement.

Au total, selon la DREAL, « seules » 2800 personnes seraient moins exposées aux émissions de gaz polluants. Même si c’est mieux que rien, c’est un élément important pour relativiser l’impact de ce projet sur la pollution de l’air.

Autre nuisance importante, le bruit. Les cartes présentées dans les documents officiels, montrent un fuseau de nuisance assez similaire à la pollution de l’air. Selon celles-ci l’impact sonore serait inchangé entre Raphèle et Saint-Martin de Crau. Si l’on note une amélioration en traversée d’Arles, le contournement engendrera une forte dégradation au sud d’Arles le long de celui-ci. Les couleurs employées dans les cartes, en particulier le vert, peuvent parfois induire en erreur.

Il est nécessaire de garder à l’esprit qu’en cas de contournement autoroutier, la RN113 actuelle serait toujours empruntée par près de 30000 véhicules jours, dans un flux non-linéaire. La réduction des nuisances sonores ne sera pas non plus marquante.

Quelles solutions seraient toutefois envisageables pour réduire les nuisances actuelles ? Il y a eu des solutions techniques proposées par les techniciens de l’État et les associations présentes dans les commissions. Parmi elles, la réduction de la vitesse à 50km/h sur la partie urbaine de la RN113 serait la plus judicieuse pour réduire les nuisances atmosphériques et sonores. Des murs anti-bruit et des revêtements spéciaux sont aussi avancés, mais ces solutions ne sont pas radicales.

II. Paysages

Quel impact aura ce contournement sur les paysages ? De nombreuses entités paysagères seront traversées par cette autoroute : haute Camargue, bocages périurbains de Gimeaux, Grand Rhône, Petit Plan du Bourg, Grand Plan du Bourg, terres agricoles de la Draille marseillaise, Crau des marais et des étangs, et enfin Coussouls de Crau. Ce dernier étant un milieu unique et non compensable.

Vu cette multiplicité des milieux traversés, l’impact sera lourd. Il n’y aura pas d’autoroute sans ouvrage d’art important, au regard de la traversée du Rhône et des nombreux réseaux hydrauliques impactés. Plusieurs viaducs et ponts sont prévus. Dans un territoire plat, ceux-ci seront forcément visibles, à plus ou moins grande distance.

Le principal ouvrage sera un viaduc pour traverser le Rhône, en tête de Camargue, à quelques encablures des limites du Parc Naturel Régional. Il sera d’environ 1800m de long et la route sera à 25m de hauteur.

Pour rappel, parmi les sept variantes initiales du projet, la seule qualifiée de très bonne pour le cadre de vie était la solution sous-fluviale longue, laquelle répondait favorablement à toutes les fonctions et objectifs sauf le coût, ce qui lui a valu d’être balayée d’un revers de main. Les questions environnementales et de pollutions n’ont pas la chance d’être réglée à coup de « quoi qu’il en coûte ».

Un autre impact très peu évoqué pour ne pas dire occulté pour l’instant, est la phase de chantier. Comment réaliser des travaux d’élargissement de la RN113 en maintenant une circulation très difficile ? Voies provisoires, sur largeurs temporaires, ouvrages de génie civil spécifiques,… Il est à prévoir d’énormes difficultés de circulation se répercutant sur l’ensemble du réseau secondaire et urbain pendant de longs mois.

L’accès au chantier ou l’acheminement d’engins sera également très compliqué dans certains secteurs, comme par exemple au niveau du Petit Plan du Bourg où seule la RD35 existe. Les camions passeront-ils par la zone urbaine, devant plusieurs groupes scolaires ? Ou ce sera un énorme détour par Mas-Thibert, qui en subira alors les conséquences ?

Les travaux qui s’annoncent seront particulièrement pénalisant pour le cadre de vie et la circulation de milliers d’arlésiens et de saint-martinois au quotidien.

III. Requalification de la RN113

Cela fait rêver certains habitants et les élus à la tête de la mairie d’Arles : le contournement autoroutier permettrait une requalification en boulevard urbain de la RN113. Le rapport du dossier support de concertation de la DREAL mentionne que « la requalification urbaine de la RN113 constitue un projet distinct, bien que complémentaire, de celui du contournement. Ses modalités ne font donc pas l’objet de la présente concertation ».

Or si ce projet de requalification est bien conditionné par celui du contournement, l’inverse n’est pas vrai. L’un est présenté sans l’autre. Nous sommes dès lors en droit de nous interroger sur la pertinence de l’objectif initial de l’amélioration du cadre de vie pour les arlésiens ? Comment imaginer un tel projet de contournement sans repenser simultanément l’axe actuel ? Comment mener une concertation publique sans l’un des éléments essentiel pour la compréhension de l’évolution de notre cadre de vie ?

Aujourd’hui il est fait mention de requalification de la RN113 en boulevard urbain. Par définition, un tel équipement se définit comme un axe structurant qui combine les fonctions de déplacement et d’espaces publics de qualité où les nuisances liées au trafic routier sont fortement réduites.

Il est nécessaire de rappeler que le contournement autoroutier permettra de déplacer seulement le flux de transit, soit environ 55% des véhicules empruntant le pont sur le Rhône. Dans les études de prévisions de trafic menées par la DREAL, s’appuyant sur le scénario de la Stratégie Nationale Bas Carbone 2019, il est prévu en 2028 avec le projet de contournement, un trafic persistant de 29600 véhicules journaliers sur le pont de la RN113 traversant Arles, dont 900 camions. Pour comparaison, le trafic moyen sur un tronçon autoroutier français est de 29800 véhicules/jours.

A l’évocation d’un boulevard urbain on peut s’attendre en effet à de la mobilité douce, des pistes cyclables, de la fluidité ou encore une réduction du caractère accidentogène de l’axe, mais il est bien difficile d’imaginer cela.

L’alternative est très claire : soit il est maintenu un axe en 2*2 voies plus fluide avec une vitesse réduite malgré un risque de congestionnement aux heures de pointes et sans changement notable sur la ville, soit les décideurs locaux croient à ce projet de requalification urbaine et l’axe bascule en 2*1 voie, plus des voies de bus et cyclables, avec une circulation totalement congestionnée, et un report sur certains axes du centre-ville comme le montre une étude de la DREAL en 2019, entrainant une hausse de la pollution en centre-ville.

Une autre question relative à cette requalification est son coût. A défaut de projet concret, aucun coût n’est pour l’instant évoqué. Ce projet sera une problématique de la commune et de la communauté d’agglomération. Le coût sera en grande partie à, la charge des collectivités locales. Avec quels impacts pour les impôts locaux des arlésiens, pour un projet dont on peut douter de sa fiabilité ?

Il est prévu que des études sur ce projet soient lancées par la mairie dans le premier trimestre 2021.

Malheureusement à l’heure de cette concertation, nous n’avons encore une fois pas tous les éléments pour juger les réels impacts de ces projets complémentaires sur notre cadre de vie.


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