La 5G n’est pas une simple amélioration des technologies existantes, c’est une transformation profonde de la société

Alors que les membres de la Conférence citoyenne pour le climat demandent un moratoire sur le déploiement de la 5G, Emmanuel Macron rétorque que « la France va prendre le tournant de la 5G car c’est le tournant de l’innovation », reléguant au « modèle amish » celles et ceux qui souhaitent ouvrir au débat démocratiques des décisions qui engagent la société dans son ensemble. Quelle drôle de façon de traiter l’intelligence collective qu’il a lui-même convoquée dans ce dispositif innovant de démocratie délibérative… 

Nous voici donc au pied du mur. Le gouvernement ouvre l’attribution de fréquences aux opérateurs fin septembre, sans consultation publique ni étude d’impact. Mais ce qui est présenté comme une anodine innovation technologique représente en réalité une transformation sociale dont les impacts humains et écologiques sont considérables. 

Sur le plan humain d’abord :

Alors que la fracture numérique se creuse et que le confinement nous a montré à quel point les inégalités dans l’accès aux technologies numériques amplifiaient les injustices déjà présentes, la priorité devrait être l’accès du plus grand nombre aux technologies existantes. 

De plus, les dommages possibles sur la santé de cette démultiplication des antennes-relai dans nos espaces de vie sont encore inconnus, mais déjà, un nombre croissant de nos concitoyen.ne.s se disent électrosensibles. Indépendamment des ondes, de nombreux professionnels de la santé et de l’éducation tirent la sonnette d’alarme concernant les effets ravageurs de la surexposition des enfants aux écrans et de la virtualisation des rapports sociaux. Or la promesse de la 5G est celle d’une société hyper-technologique (objets connectés, services en ligne, réseaux sociaux), où les algorithmes remplacent les relations humaines, où l’individu est encore davantage réduit à son rôle de consommateur et où nous devenons encore plus dépendants des machines qui nous entourent. Mais aussi un monde de surveillance généralisée et d’absence de maîtrise sur l’utilisation des données personnelles. Enfin, une telle ruée technologique repose sur l’exploitation de toutes celles et ceux qui, à travers le monde, travaillent dans des conditions inhumaines à extraire les minéraux, fabriquer les appareils ou recycler les déchets que cette explosion des gadgets numériques génère, notamment les dizaine de milliers d’enfants aujourd’hui enrôlés dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo.  

Sur le plan écologique ensuite :

Le déploiement de la 5G va entraîner une surconsommation de ressources qui se font déjà rares. Non seulement il va falloir produire des millions d’antennes supplémentaires mais c’est tout le parc actuel des téléphones portables qui sera rendu obsolète à brève échéance. Juste en suivant la trajectoire actuelle, on s’attend à ce que les stocks de minerais nécessaires à la fabrication des équipements électroniques soient épuisés d’ici 30 ans. Combien de temps faudra-t-il si l’on encourage une telle accélération ? Plus préoccupant encore, l’augmentation spectaculaire des flux de données échangées, qui selon les opérateurs pourront être multipliés par mille, va faire exploser nos consommation d’électricité et nos émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, contrairement à l’idée naïve selon laquelle les données numériques, parce qu’elles sont dématérialisées, ne polluent pas, les flux numériques représentent une part importante des émissions de gaz à effet de serre. On estime qu’en 2025, les émissions mondiales de GES liés à notre consommation numérique égaleront celles des automobiles, soit plus de 7% des émissions totales.

Dans quel monde souhaitons-nous vivre ? Est-il nécessaire de pouvoir télécharger un film haute-définition en moins de dix secondes quand vous êtes dans la rue ou de mettre votre sèche-linge en route tout en buvant un café en terrasse ? Le déploiement de la 5G n’est pas une simple amélioration de l’existant. C’est une transformation profonde de l’espace public, des modes de vie et de communication. Un tel choix de société doit relever, justement, de la société elle-même, et ne pas être décidé en catimini et présenté comme une évolution inéluctable. 

Nous invitons donc Monsieur De Carolis à rejoindre les nombreux maires signataires d’une pétition pour un moratoire sur la 5G et l’incitons à organiser une véritable consultation citoyenne à ce sujet. Nous ne sommes pas contre le progrès mais nous sommes pour un progrès véritable, qui profite à toutes et à tous et qui cultive la convivialité et l’émancipation.