Chers ami.e.s, chers sympathisant.e.s,

Durant plusieurs mois nous avons travaillé à un projet pour le territoire. Un projet écologique bien sûr, un projet citoyen, un projet résilient pour faire face aux grands défis qui nous menacent : crise sociale, raréfaction des ressources, inégalités grandissantes, effondrement de la biodiversité, changements climatiques etc. Les bouleversements que nous annoncions se réalisent aujourd’hui de façon brutale sous la forme de la pandémie que nous connaissons. Et il faut se rendre à l’évidence, les décideurs, les gouvernants et les acteurs de la vie économique n’étaient pas préparés. Celles et ceux qui nous moquaient hier et nous traitaient de Cassandre ne peuvent pas prétendre aujourd’hui qu’ils ont la solution.

Dans cette période dense en informations, dans laquelle des personnalités politiques et des stars du show-biz s’improvisent chercheurs en épidémiologie, où certains citoyen.ne.s se sentent autorisés à dénoncer leurs voisins au nom de la santé publique, nous n’étions pas pressés d’ajouter notre voix au tapage ambiant.

Mais nous sommes toutefois attendus et alertés. On l’entend, on le voit dans les mesures prises par les différents gouvernements, le monde se prépare à sortir de cette crise en reprenant exactement le même chemin que celui qui nous a précipités dans cette situation. Pire, le lointain cauchemar totalitaire d’une hyper-surveillance par l’État des faits et gestes des citoyen.ne.s que nous redoutions lorsque l’on dénonçait la multiplication des caméras de surveillance ou le déploiement de la 5G, devient une option crédible pour accompagner la sortie du confinement. Cette crise sert ainsi de cheval de Troie aux multinationales du numérique qui vont finir de s’imposer comme les acteurs centraux de la vie publique.

Or il est urgent de ne surtout pas « revenir à la normale » puisque justement, rien n’était normal. Cette crise tient à une succession d’événements qui sont les effets directs du modèle économique et social contre lequel nous nous battons : surexploitation de la nature, globalisation, destruction des services publics, faible résilience à l’échelle de nos territoires.

L’émergence du Covid-19 fait suite à d’autres épidémies liées à la transmission à l’humain de virus présents dans la faune sauvage : VIH, SARS ou encore Ébola. Toutes ces maladies virales ont touché les populations humaines à cause d’une trop grande pression sur la nature : l’exploitation des animaux sauvages et la destruction des milieux naturels, intensification de l’élevage…

La dissémination rapide de l’épidémie s’est faite à cause de notre modèle d’échanges humains et commerciaux. L’utilisation régulière des vols longs courriers et sa démocratisation dans les pays riches ont permis une dissémination du virus sur la planète en quelques jours.

La crise sanitaire actuelle relève aussi de l’indigence dans laquelle se trouve notre système de santé : dégradation graduelle des moyens de l’hôpital public pour travailler depuis les années 80, lorsque notre service public a commencé à basculer vers le modèle économique anglo-saxon.

Enfin, nous sommes aujourd’hui économiquement prisonniers du modèle néo-libéral qui fait qu’une grande partie de nos biens de consommation est fabriquée à l’autre bout du monde. S’il ne s’agissait que de biens de confort, ce ne serait pas grave, mais même du matériel fondamental pour le monde médical provient d’un autre continent. Une grande partie de notre souveraineté alimentaire s’est dégradée par la perte rapide de terres agricoles. L’agro-industrie, encouragée par les milliards de la PAC et par nos dirigeants depuis l’après-guerre ne semble pas en mesure de répondre aux événements qui nous touchent. La main d’œuvre étrangère et mal payée n’est pas disponible. Le modèle est trop peu diversifié à certains endroits pour répondre à une demande locale immédiate.

Seules les filières courtes et locales, souvent bio, déjà organisées, sont assez réactives pour éviter une trop grande mise en tension de la filière. Mais elles sont encore trop peu nombreuses pour faire face à une demande grandissante. On constate encore des décisions aberrantes : ainsi le préfet de région interdit les marchés à Arles, convaincu que les supermarchés, confinés et plus propices à la circulation du virus, sont suffisants pour subvenir aux besoins des habitants.

La “crise” du Covid-19 n’est sans doute que le premier événement écologique majeur qui touche les pays industrialisés. Mais nous sommes encore loin des 400 000 morts annuels du paludisme et de toutes les autres calamités qui touchent les pays du Sud dans l’indifférence générale. En France, la pollution atmosphérique fait chaque année 48 000 morts sans qu’on ait pour autant songé à ralentir la machine économique.

L’apparition du Covid-19 est peut-être la dernière chance que nous avons de poser un regard lucide sur l’impact de nos activités sur notre environnement et sur l’incapacité de notre modèle à faire face au moindre événement tumultueux. Les initiatives solidaires semblent se multiplier dans les réseaux sociaux, les producteurs locaux sont sollicités de toutes parts, l’air est plus pur et les animaux sauvages goûtent une tranquillité bien méritée. Si cet épisode ne nous permet pas de renverser la table et le système, le prochain sera sans doute beaucoup plus dévastateur.

Car cette crise sanitaire, aussi dramatique soit-elle en Asie, en Europe et dans les pays les plus pauvres, n’est malheureusement sans doute qu’un sinistre avant-goût de ce qui nous attend avec le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité.

Depuis maintenant plusieurs décennies, la communauté scientifique nous alerte sur les conséquences de notre mode de vie prédateur pour la planète, de plus en plus intenable. Les conséquences à l’échelle du siècle sont de mieux en mieux connues, et se voient confirmées chaque année : événements climatiques extrêmes, famines, déplacements massifs de populations, effondrement des économies et des liens sociaux, dégradation sanitaire massive, augmentation des tensions sociales, du nombre et de l’intensité des conflits…

Il serait donc totalement irresponsable, lorsque la crise du coronavirus sera passée dans quelques mois, de tout jeter aux oubliettes pour mieux persister dans un modèle économique mortifère, qui mène la planète et ses habitants tout droit vers le précipice.

Sachons au contraire en tirer les leçons, tant qu’il est encore temps, pour s’engager dans la construction d’un monde plus solidaire, plus respectueux de la biodiversité, plus résilient et au final plus heureux. Un monde plus démocratique aussi, basé sur des services publics forts, par et pour les citoyens.

Certains membres de Changeons d’Avenir ont travaillé à titre personnel à certaines initiatives locales. Avec un score de 8,31 % aux municipales, nous prenons acte que la population arlésienne n’a pas souhaité nous porter au second tour. Il serait malvenu de donner des leçons à tout-va et de nous poser en futurs gouvernants. Néanmoins, il nous faudra être présents pour rappeler les enjeux sociaux, écologiques et politiques des crises traversées afin que nous, ou les futurs décideurs, ne nous précipitions pas, de nouveau, dans une impasse.

En attendant de vous retrouver « en vrai », nous restons présents sur les réseaux sociaux, poursuivons notre travail et accueillerons avec plaisir toute idée ou initiative solidaire qui contribuerait à construire ensemble le monde de demain.

Et pour patienter et s’inspirer, nous vous invitons à voir ou à revoir le film du « dernier jeudi avant la fin d’un monde », notre grande soirée du 12 mars

Table ronde Changeons d’avenir – 12 mars 2020 – Table ronde Changeons d’avenir – 12 mars 2020 – Introduction

Table Ronde Changeons d’avenir -12 mars 2020 – Introduction et présentation des Intervenants

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