Voici le texte adressé par Cyril GIRARD au nom de Changeons d’Avenir dans le cadre de la concertation publique sur le pont de Salin-de-Giraud

Cyril Girard
Conseiller communautaire, conseiller municipal
Groupe « changeons d’avenir »

Arles le 02/11/2021

Objet : Concertation publique – Rd 35b – Franchissement du Rhône par un pont entre Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône

La discrète concertation publique menée par le département touche à sa fin. Voici donc notre contribution sur le projet de pont à Salin de Giraud.

Rappel du contexte

Le hameau de Salin de Giraud est situé à 38 km de la ville de Arles. La continuité territoriale est pour le moment assurée par le bac de Barcarin qui assure un service 22h20 sur 24. Ce bac possède une voie pour les riverains qui leur assure un accès en priorité. Ce bac emploi environ 37 personnes au régime maritime et constitue donc l’un des premiers employeurs du village, après l’entreprise Solvay (groupe Imérys) et les Salins du midi.

Jusqu’en 2011, le principe de pérennité du bac était assuré par la charte du PNR. En 2011, sous la poussée des élus locaux et du département, la nouvelle charte rognait sur ce principe et a permis d’ouvrir une brèche. Dès lors un lobbying important a été fait par certains élus et une partie de la population, dans les années 2000, pour convaincre la partie de la population fortement hostile à ce projet.

Ce lobbying a été accentué par des problèmes endémiques au fonctionnement du bac (certains présidents déconnectés territorialement, problème de direction) qui ont entrainé des dysfonctionnements (techniques ou mouvements de grève).

En 2021, le retrait du principal financeur (la région), par la même équipe qui avait mis en difficulté le PNR de Camargue, apparaît comme une manœuvre visant à faire péricliter l’outil bac pour faire basculer l’opinion des derniers réticents vers le projet pont.

Sur le volet économie locale

Jusqu’à peu, l’occupation illégale en plage de Piémanson de plus de 25 000 estivants, nous prouvait que le bac ne constituait en aucun cas une entrave au tourisme sur le territoire et constituait, au contraire un élément fort de l’arrivée des gens dans le delta qui « débarquaient » littéralement en Camargue. L’absence de projet de territoire explique la situation actuelle bien plus surement que l’absence de pont, alors que la fréquentation du hameau est relancée par la création d’un camping et des nouveaux restaurants.

Le village porte encore de nombreux commerces de proximité (supérettes, épiceries, boucher-traiteur) qui seraient forcément impactés par la facilité nouvelle à aller faire ses courses à Port-Saint-Louis.

Enfin, le licenciement de 37 membres d’équipages sur un hameau de 2004 habitants aurait un impact important.

Sur le volet économique et touristique

Nous l’avons dit, le bac n’a jamais été un frein à la fréquentation touristique. La bonne qualité de l’environnement est le premier vecteur de développement économique du territoire. Sa dégradation ou sa surfréquentation aurait un effet contre-productif en ce domaine. La Camargue ne peut pas et ne doit pas devenir une e-nième station balnéaire surpeuplée en été. Elle tire sa singularité de la difficulté d’accès, des contraintes et de la sensation d’espace sauvage et ouvert. Le projet de développement doit être celui d’un tourisme de qualité que viendrait télescoper le projet de pont, qui va défigurer l’entrée dans le delta et standardiser à petit feu le territoire.

Sur le volet « coût » pour la collectivité

Le budget annuel du bac est de 5 millions d’Euros. Principalement constitué par les charges de personnel et le carburant.

Le coût annoncé de l’aménagement envisagé (40 millions d’euros) est évidemment bien en deçà du prix total de l’ouvrage. Il constitue un tarif de base pour un ouvrage sans aucun ambition esthétique alors que nous sommes aux portes de la Camargue. Les sondages récents qui ne permettent pas de trouver de sol sur lequel s’appuyer avant 40 m de profondeur nous indiquent que le prix va grimper en flèche, dès qu’il faudra se pencher plus sérieusement sur le sujet.

Une des pistes pour faire des économies sur le bac pourrait être d’envisager un classement vers un régime fluvial plutôt que maritime qui permettrait de faire de nombreuses économies. Nous pouvons également espérer que les avancées technologiques puissent nous amener vers une sobriété et des économies en termes de consommation.

La décision unilatérale de la région de se retirer ne doit pas être envisagée comme gravée dans le marbre.

Sur le volet impact environnemental

Alors que la COP 26 va s’ouvrir et qu’il apparaît que la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre est une priorité de laquelle découle la garantie pour les générations présentes de vivre dans un futur pacifié et prospère, tout projet de création de nouvelle infrastructure routière devrait être questionné. D’autant que le secteur est en première ligne face à la montée du niveau marin. Ce pont, outre l’impact du chantier, va permettre d’ouvrir une voie de circulation aux véhicules lourds au sein du PNR de Camargue. Nous ne pouvons croire la promesse d’un pont qui pourra sélectionner les bons des mauvais camions. Le trajet depuis les zones portuaires vers les plages du sud de Montpellier sera facilité et gratuit. D’autant que les estimations de trafic nous semblent largement minorées.

Le Parc Naturel Régional est aujourd’hui attaqué de toute part, que ce soit par les collectivités, mais aussi par de nombreux élus. Plusieurs maires du PNR ne cachent pas leur ambition de saborder le PNR, qu’ils trouvent trop contraignant en termes d’environnement. Le futur du PNR n’étant pas assuré, la protection du delta pourrait en prendre un coup. Dans ce contexte, le projet de pont avec ses divers corollaires pourrait rajouter à la dégradation environnementale de la Camargue.

Enfin ce projet va à l’encontre de la plupart des principes du SDAGE.

Sur le volet social

L’explosion des moyens de communication rapides (internet), l’accessibilité immédiate de nombreux services, le commerce en ligne et la percée des plateformes de vente rapides, ajoutée à d’autres phénomènes (démocratisation des transports aériens) ont engagé la société entière vers une rapidité de rythme qui devient aujourd’hui la pierre angulaire de l’organisation sociale et individuelle. Ce phénomène va à rebours du rythme de certains territoires isolés (îles, vallées montagneuses). Les locaux veulent avoir la même « qualité de vie » que partout ailleurs sur le territoire, et certaines régions peu attractives jusqu’ici, se retrouvent désenclavées par les nouveaux moyens de communication, et attirent donc de nouveaux habitants, qui ne veulent pas non plus renoncer à grand-chose. Les exigences nouvelles des « locaux » s’ajoutent à elles des « néo ». Le pont risquerait de faire de Salin-de-Giraud une cité-dortoir pour la zone industrialo-portuaire et d’amener une population peu adaptée à vivre avec les contraintes du territoire.

L’exemple de l’île de Ré, où la création d’un pont a amené avec elle de nombreux changements sociaux ainsi que d’autres d’ordre économique et financier (prix de l’immobilier, valeur des biens), devrait permettre de minorer l’enthousiasme.

Conclusion

Notre analyse et que cet aménagement ne peut en aucun cas résoudre les problèmes du hameau, et ne constitue en aucun cas un projet de territoire. Et surtout pas un projet pour un territoire exceptionnel comme la Camargue. Il participera à l’homogénéisation globale du territoire et sera vecteur de nombreux impacts pour l’équilibre économique, social et environnemental du delta.

Enfin, son étude devrait être faite à la lumière des coûts réels et des hypothèses possibles pour réduire les coûts actuels, que ce soit en matière de charges de personnel que de modèle énergétique.

Il apparaît que ce projet porté, sans vrai réflexion sur ses impacts, est une vision froidement économique et politique d’un dossier qui s’insère dans un territoire dont les niveaux de compréhension sont multiples.

Nous ne pouvons que nous montrer opposés à cet aménagement tel qu’il est présenté aujourd’hui.

Arles le 02/11/2021