Climat et écologie ont régulièrement fait la une des médias cet été : dômes de chaleurs au Canada, pluies diluviennes en Allemagne et en Belgique, embrasement de la forêt boréale, incendies sur tout le pourtour méditerranéen, inondations en Chine et en Afrique, fonte massive de la calotte glacière groenlandaise… Les experts s’accordent sur le fait que les intensités et les fréquences de ces évènements sont liées au dérèglement climatique. Le récent rapport du GIEC tire une fois de plus la sonnette d’alarme, et n’appelle guère à l’optimisme. En attendant une hypothétique réponse politique au niveau international, de nombreux organismes et de nombreuses personnes travaillent pour changer les choses, préserver la biodiversité et réduire notre consommation énergétique, à toutes les échelles géographiques.
La crise climatique et la crise de la biodiversité ne doivent pas être mises en concurrences quant à l’urgence de traiter l’une avant l’autre. Elles sont en fait les deux faces des mêmes problèmes : surexploitation, surconsommation, mondialisation des marchés… Et toutes deux hypothèquent sérieusement les chances de vivre de manière pacifiée et épanouissante pour notre génération et plus encore pour les suivantes.
Cette semaine se tient le congrès mondial de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature à Marseille. Échanges d’expériences, débats, sensibilisation du grand public sont au programme sans que ne soient véritablement remis en cause les principaux moteurs de l’effondrement de la biodiversité. La présidente de la FNSEA participe à la table-ronde « Cultivons ensemble la biodiversité pour une agriculture durable » et les deux plus importants commanditaires privés du Congrès sont Nutella (dont on connaît le goût pour l’huile de palme, premier destructeur de forêt tropicale en Asie) et Véolia (le mastodonte de la privation des gestions de l’eau et des déchets dont on ne compte plus les implications dans des scandales écologiques, sanitaires ou financiers – à Bruxelles, à Rabat, à Flint ou encore en Île-de-France). C’est aussi le moment où doivent se dessiner les priorités d’action en termes de protection de la nature et de conservation de la biodiversité. Mais ces actions seront-elles à la hauteur des enjeux, alors que les dirigeants politiques font preuve de toujours plus d’inertie, au niveau local comme au niveau global ?
Nous sommes, dans le bassin méditerranéen, aux premières loges du dérèglement climatique et de la perte de biodiversité. Nous sommes directement concernés par les décisions qui seront prises prochainement. En cette rentrée particulière, dans un contexte sanitaire tendu et en parallèle de ce grand raout mondial, nous souhaitons rendre hommage et transmettre nos encouragements à toutes les associations, leurs salarié·es, leurs bénévoles mais aussi les nombreux collectifs, les activistes, les citoyennes et les citoyens qui oeuvrent au quotidien, souvent de façon discrète et bien loin des feux de la rampe, à la protection de la nature et de notre environnement, à l’amélioration de la vie sociale et culturelle, à la santé et à la solidarité entre personnes et entre générations – à toutes celles et à tous ceux qui se battent pour faire changer le système, nous souhaitons une bonne rentrée !
Changeons d’avenir est entré au Conseil municipal, avec deux élu.es dans l’opposition (Cyril Girard et Virginie Maris) et au Conseil communautaire avec un élu (Cyril Girard).
Sont disponibles sur notre site : les comptes-rendus des séances ainsi que toute l’information nécessaire pour assurer une veille vigilante et constructive concernant la vie des équipes municipale et communautaire.
Conseil communautaire du 5 juillet
Cyril Girard rend compte d’un conseil communautaire tenu à Saint-Martin-de-Crau, où il est question de subventions aux associations, de politique de la ville ou encore de la création d’un comité des partenaires et usagers des transports en commun.
Conseil municipal du 6 juillet
Financement des associations, audit sur les ressources humaines ou encore Campus connecté – Retrouvez tout ce qu’il y a à savoir sur le dernier conseil municipal dans le compte-rendu partiel et partiel de Virginie Maris.
Terra Fecundis à Marseille
Dans la longue bataille judiciaire contre les sociétés de travailleurs détachés dans l’agriculture (sociétés très sollicitées dans le Pays d’Arles), le tribunal correctionnel de Marseille a rendu début juillet un verdict fort : l’entreprise espagnole Terra Fecundis et ses trois fondateurs ont été reconnus coupables d’infractions de travail dissimulé, de dissimulation de salariés et de marchandage de main-d’oeuvre entre 2012 et 2015.
Le tribunal a jugé qu’ils avaient « mis en place ensemble et sciemment un business plan intégrant le recours généralisé à la fraude pour assurer leur profit tout en recourant à une main-d’oeuvre docile peu susceptible de revendiquer ses droits ».
Il a été reconnu que l’activité de cette société en France était « permanente et dépourvue de terme prévisible » alors que les cotisations sociales étaient versées en Espagne. Le préjudice pour l’URSSAF se monte à plusieurs dizaines de millions d’euros.
L’entreprise de travail temporaire Terra Fecundis, rebaptisée entre temps Work for All, a également été définitivement interdite d’exercer l’activité de travail temporaire et devrait désormais être privée du marché français, sauf jugement renversé en appel.
A noter que Terra Fecundis comparaîtra au printemps 2022 devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour des faits similaires pour la période 2016-2019 et sera, cette fois, accompagnée sur le banc des accusés par plusieurs exploitants agricoles ayant profité de cette main-d’oeuvre.
Il est malheureusement à noter que Terra Fecundis n’est pas la seule à exploiter des travailleurs détachés et que ce type de sociétés rentre dans un schéma plus global d’un modèle agricole tel que celui du maraichage intensif de tomates et melons en Camargue, porté par quelques magnats agricoles.
Contournement autoroutier d'Arles
Fin mai, le comité des élus du projet du contournement autoroutier d’Arles a pris acte des résultats de la concertation publique de l’hiver dernier et a validé le tracé des variantes nord proposées dans ladite concertation. Pour rappel cette dernière portait uniquement sur le choix de tracés par secteur, et non sur le projet de contournement, ce que nous avons toujours déploré. On retrouve toutefois dans les contributions écrites des citoyens de très nombreux avis opposés à ce contournement.
Les études réglementaires se poursuivent, en particulier en lien avec les milieux naturels, l’hydraulique et l’agriculture. Les groupes de travail thématiques avec des associations et organismes professionnels se retrouveront à la rentrée 2021 pour confronter leurs points de vue.
Il reste encore de nombreuses lacunes dans les inventaires de biodiversité, de multiples incertitudes sur le devenir des réseaux hydrauliques et des interrogations sur les aménagement des échangeurs ou sur une zone d’aire de service.
Si la DREAL suit son calendrier prévisionnel, l’enquête d’utilité publique aura lieu fin 2022 ou début 2023.
En attendant cet hypothétique contournement, aucun aménagement n’est prévu pour réduire les nuisances déjà anciennes qui perdurent. Un responsable de la DREAL a expliqué lors de la présentation du bilan de la concertation, qu’au vu du modeste budget régional alloué pour ces aménagements, la DREAL estime que la traversée d’Arles n’est pas prioritaire par rapport aux autres dossiers régionaux. Cela fait donc plus de vingt ans que nous, Arlésiens, ne sommes pas prioritaires malgré un trafic journalier de près de 75000 véhicules (2,5 fois le trafic autoroutier moyen en France) et les nombreuses nuisances associées.
Il est dès lors assez cocasse de lire dans les objectifs du contournement autoroutier que celui-ci doit “contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des riverains” alors qu’aucun aménagement n’a été fait en ce sens depuis tant d’années. Ou comment laisser pourrir une situation pour que les habitants en viennent à vouloir un contournement autoroutier dévastateur de terres agricoles et naturelles…
Requalification de la RN113
Le projet de contournement autoroutier de la ville, mené par les services de l’État, est accompagné parallèlement par le projet municipal de requalification de la RN113 actuelle en boulevard urbain apaisé. A la condition que le contournement voie le jour. Tandis que des études techniques vont démarrer en fin d’année, une concertation publique va également être lancée en septembre à travers 3 réunions. La majorité municipale voit dans cette requalification le processus indispensable au désenclavement géographique et social de Barriol ou encore au développement économique de certaines parties de la ville, notamment pour son projet de port de plaisance. Elle est censée également être la clé de voute de la mobilité globale sur la ville et selon l’élue au transport “il n’y aura pas de réseau de bus performant sans requalification”. La base de travail est de transformer la RN113 actuelle pour y incorporer des voies de bus à minima, voire des pistes cyclables, le tout accompagné de verdissement, ce qui signifie, vu la configuration des lieux, un passage en 2 x 1 voie pour la circulation.
Sans remettre en cause la bonne volonté de la majorité municipale qui croit dur comme fer en ce projet pour améliorer la mobilité sur Arles, nous y croyons beaucoup moins. Notamment pour une question de chiffres : dans les rapports de la DREAL sur le projet du contournement autoroutier, les études prévoient en cas de contournement un trafic résiduel sur l’actuelle RN113 de 29600 véhicules/jour dont presque 900 poids lourds. A noter qu’en 2019, la circulation moyenne en France sur une portion d’autoroute était de 29800 vehicules par jour. Dans des rapports précédents de la DREAL, il était mentionné qu’en cas de requalification de la RN113 en 2 x 1 voie, on devait s’attendre à un trafic congestionné et un report de circulation en centre-ville. En effet comment imaginer qu’un tel trafic puisse se faire sur un axe réduit ? Les futurs projets de transports publics et le plan vélo de la municipalité pourront-ils faire baisser drastiquement le nombre journalier de véhicules ? Au vu des spécificités territoriales, des axes forts de circulation actuels, des projets locaux de développement de la logistique, même si les projets de mobilités à venir fonctionnent, les chiffres de trafic prévus sont tels que l’on part de trop loin pour que cette requalification ait l’efficacité souhaitée par l’équipe municipale.
Le risque est de se retrouver avec un contournement autoroutier à 2 km au sud de la ville, une 113 en mode boulevard congestionné quotidiennement et un centre-ville asphyxié par un report de circulation.
Vous pouvez participer à ces réunions de concertation, la première d’entre elle aura lieu le 27 septembre. Il suffit de vous inscrire via le lien suivant : https://vu.fr/requalification_RN113
Fibre excellence
En mai dernier, Cyril Girard, conseiller municipal et conseiller communautaire, participait, avec des membres de Changeons d’Avenir, à une manifestation devant l’usine Fibre Excellence à Tarascon, avec les riverains et les associations qui se battent pour faire condamner les patrons voyous de cette usine.
Cette unité de production de pâte à papier dépasse les seuils de pollution de manière récurrente, impactant les eaux du Rhône et l’atmosphère. Les dirigeants de l’usine agissent en pleine connaissance de cause, organisant sciemment la dégradation de leur outil industriel pour éviter de payer les redevances relevant de la taxe sur l’eau, et les amendes liées à la pollution. Les dirigeants font en même temps un indécent chantage à l’emploi pour toucher des financements publics, en négociant les normes environnementales, sociales et économiques.
Nous sommes évidemment solidaires des travailleurs dont la santé et la sécurité sont méprisés par la filiale Paper Excellence du groupe indonésien de Eka Tjipta Widjaja. Il est impensable de niveler les normes environnementales, les normes de sécurité et les acquis sociaux vers le bas pour permettre à quelques actionnaires de gagner toujours plus d’argent. ACCM a une commission sur cette problématique, dans laquelle siège le maire de Tarascon, mais nous ne savons même pas si une seule réunion s’est tenue depuis l’investiture du nouveau président d’ACCM et quelle est la position du nouveau Président. Tous les acteurs politiques veulent une solution pérenne, mais laquelle ?
Le 29 juin dernier, Cyril Girard a reçu, lors de sa permanence d’élu, les représentants du collectif “les flamants roses”. C’est ainsi que Changeons d’Avenir s’est associé à un communiqué repris plusieurs fois dans la presse.
Lâchée par Paper Excellence, qui était son actionnaire principal, Fibre Excellence avait été placée en redressement judiciaire depuis octobre 2020. Les salariés attendaient un éventuel repreneur pour en savoir plus sur leur avenir. Un seul candidat s’est déclaré : Paper Excellence ! Le 22 juillet dernier, le tribunal de commerce de Toulouse a accordé cette “auto-reprise”. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette reprise est permise via la crise du Covid, une ordonnance de mai 2020 autorisant temporairement un entrepreneur à se porter acquéreur d’une société dont il a déposé le bilan.
Cette reprise est assortie de conditions posées par Paper Excellence. Après avoir fait baisser les salaires au printemps dernier, les actionnaires souhaitent réduire le coût de la main-d’œuvre de l’usine et seuls 90% des CDI resteraient.
L’actionnaire canadien souhaite également l’obtention de financements publics supplémentaires pour son projet de centrale électrique verte Biowatt (à base de déchets de bois) et la conclusion d’un nouveau contrat avec les fournisseurs de bois sur une durée de cinq ans. Alors que la direction de l’usine a été relaxée pour ses pollutions et condamnée à une simple amende de 10 000€, Paper Excellence a demandé aussi un moratoire de deux ans sur la mise en œuvre de nouvelles règlementations environnementales et a conditionné aussi cette reprise à des négociations favorables avec l’Agence de l’eau.
Devant les promesses d’investissement (environ 180 M€) du nouvel (ou ancien, c’est selon !) actionnaire, le tribunal de commerce de Toulouse a validé cette reprise. Mais comment croire les promesses d’un actionnaire qui n’a pas tenu ses précédentes et qui n’a rien fait pour mettre aux normes environnementales son usine depuis son achat en 2010 ?
Nous resterons vigilants sur la suite des évènements et resterons aux cotés des associations déjà engagées depuis longtemps dans ce dossier.
Agir pour le vivant
Du 22 au 29 août derniers s’est tenue à Arles la deuxième édition du festival Agir pour le vivant. Retour rapide et subjectif sur quelques aspects de cet évènement au statut et à la portée discutables.
1. Un festival ?
“Agir pour le vivant vise à organiser dans la durée un programme de réflexions et d’actions afin de repenser la manière avec laquelle l’ensemble du vivant se côtoie et notre façon d’habiter le monde aujourd’hui”.
Organisation, durée, programme, réflexions : il s’agit plutôt d’une somme de moments très sérieux et peu festifs (“débats, rencontres, ateliers, expos, films, résidences”), malgré une charte graphique très pop avec des couleurs vives, des goodies, des badges, des tote bags (qui ne sont pas du tout écolos en fait, désolé·e·s). En bref, un temps de réflexion immersive où chacun et chacune peut discuter avec les expert·es du vivant (en essayant de ne pas se tirer une balle face à l’horreur de l’état de la biodiversité ? non on reste op-ti-mis-tes ! C’est l’été après tout, y a du spritz au bar de la Croisière).
Si festival il y a en revanche, c’est un peu dans l’ambiance colo et dans le défilé de grands noms du moment associés à la cause écologique. Une centaine de noms généralement médiatiques, souvent édités par Actes Sud, des artistes, des journalistes, des chercheur·es, des penseur·es, des militant·es, parmi lesquel·les on retrouve Alain Damasio et Cyril Dion, Vandana Shiva et Eva Joly, Dominique Bourg et Laurence Tubiana, Patrick Boucheron et Marielle Macé, pour n’en citer que quelques un·es, ainsi que des représentant·es d’Alternatiba, On est prêts, Impact France et Wild Legal ou encore Greentervention. Dans un souci affiché d’exhaustivité et d’interdisciplinarité, on retrouve en effet un dialogue enrichissant entre différents points de vue. Mais si cela répond à l’un des trois objectifs annoncés sur le site internet de l’évènement (“rassembler, témoigner, agir et initier des réflexions à l’échelle européenne”), on peut se demander où est effectivement l’action… si ce n’est dans l’existence de l’événement lui-même.
2. Agir ?
L’événement répond à certaines attentes et critiques, faites lors de la première édition.
- à la suite des critiques de plusieurs personnalités l’an dernier (voir l’Arlésienne), les sponsors ont été modifiés et sont nettement plus cohérents avec le sujet. On s’interrogera tout de même sur la présence de la Fondation Hermès et sur sa position face à la préservation du vivant (les veaux, vaches et cochons tués chaque semaine pour faire des sacs et des ceintures de luxe n’ont pas été invités, dommage).
- un effort louable a été fait du point de vue de la présence de femmes (dont un prix pour les femmes engagées pour le vivant) et du point de vue de l’écriture inclusive, même si on est loin d’une parité parfaite : si 15 conférences/rencontres sont paritaires, plus d’une vingtaine restent dominées par des hommes et lorsque les femmes sont majoritaires (seulement 5 fois), l’une d’elles est souvent l’animatrice de cérémonie.
- l’ancrage local d’un tel événement “descendu” à Arles était aussi attendu et on retrouve une attention particulière portée à la Camargue et au Rhône tant dans les activités/ateliers proposés que dans certaines thématiques. Dommage que les associations arlésiennes et locales n’aient pas été très présentes dans le débat, notamment autour des questions du Rhône, ou même du point de vue du traitement artistique des zones naturelles (on pense notamment au festival les Envies Rhônements).
- en parallèle, l’ouverture extra européenne des intervenant·es comme des débats est également appréciable alors même que le territoire annoncé semblait plutôt centré sur l’Europe (“à l’échelle européenne”). Il est en effet temps d’élargir la réflexion vers les pays en réelle souffrance climatique, où la biodiversité est en chute libre, et la forte représentation durant l’événement de voix africaines est en ce sens une avancée majeure.
- enfin, l’inclusivité touche aussi la prise en compte des nouvelles générations face aux grands pontes des débuts de l’écologie politique et philosophique. Les nouveaux outils médiatiques et les nouveaux modes d’activisme sont présents et fréquemment mentionnés.
Bref, tout va bien ? Penseur·ses, scientifiques, artistes et youtubeur·ses du monde entier se rassemblent pour une cause commune : le vivant, nous, vous, sans limites et sans frontières ?
Pas vraiment. Car si le sujet est bien amené par une armée de personnes de facto légitimes, la portée réelle de l’événement est en effet discutable. D’abord parce que l’intitulé même n’est pas sans rappeler un groupe de pression politique de la droite libérale (https://agir-ladroiteconstructive.fr/: “la fiscalité au service de la croissance, etc.”). Certes, le verbe “agir” est fort, il fait rêver les militant·es : oui, nous à gauche, on en a marre de parler dans le vide, on veut de l’action concrète ! Le programme est ainsi tentant : on pense, on parle mais surtout on AGIT ! De fait, l’action est bien présente dans le choix des sujets : on retrouve en effet un état des lieux de véritables actions en cours, à travers la présentation de personnes réelles, de tous bords, de toutes professions, engagées sur des sujets concrets et précis – comme l’attribution de droits juridiques à des éléments naturels ou encore la question de l’activisme et de sa place en démocratie.
Mais parler d’action(s), même si on le fait bien… est-ce agir ? S’informer des actions des autres suffit-il à susciter des vocations ? Rendre compte d’une initiative, est-ce en prendre une ? En quoi le festival lui-même représente-t-il une action “concrète et durable dans le temps et dans un territoire” ainsi que le présente le 2e objectif de l’événement sur le site internet ?
Malgré la richesse des sujets, et la profondeur des problématiques, leur forme semble souvent assez superficielle (la vie disparaît = ça craint). Les temps de parole restent diplomatiques (chacun son tour et pas trop longtemps) et le niveau de connaissance ou d’engagement du public n’étant pas connu des conférencier·es, les discours ne peuvent aller bien loin en une trentaine de minutes max. Face à une trentaine de gens du même milieu et de toute façon déjà ralliés à toutes ces merveilleuses causes, l’ambiance fleure l’autocongratulation déculpabilisante. On cherche en vain les convictions politiques, encore plus la volonté réelle de passer à l’action, parmi un public mondain, détenteur d’un pass conférence payant. On se demande d’ailleurs si cet argent ne pourrait pas être mis au service de ces superbes initiatives qui ont fait entendre qu’elles manquaient cruellement de moyens.
Le succès de l’événement flirte avec le rendez-vous des peoples du green. On vient pour boire un verre en écoutant à moitié une star de l’écologie-pas-trop-radicale, pour se flatter l’ego aux caresses de l’écologie bienveillante et se rassurer en se disant que finalement tout ne va pas si mal parce que les autres… agissent. Ouf !
3. Susciter l'intérêt ?
Par conséquent, le 3e objectif de l’événement est loin d’être atteint et remet en question toute la portée des interventions pourtant de qualité : “Susciter l’intérêt du plus grand nombre pour le vivant et la biodiversité”. En fait, le plus grand nombre s’en fout et on se retrouve encore entre nous, au pays de la famille Actes Sud (et ses bouquins vendus avec dédicaces, Agir pour le vivant se faisant salon du livre). On se retrouve entre nous, encore, dans cet entre-soi policé et homogène, entre Arlésien·nes, Parisien·nes et Suisses déjà convaincu·es, qui se connaissent souvent, se lisent mutuellement, se citent les un·es les autres.
Les résidences et les ateliers citoyens sont finalement peut-être les seules actions réelles résumées dans la séquence “la Fabrique du vivant” (non ce n’est pas un cours d’éducation sexuelle !) . “La Fabrique de l’action pour le vivant est une contribution à la recherche des moyens d’agir au sein des territoires, avec les entreprises, les organisations et les citoyens. Dans le cadre de résidences de travail et d’ateliers, Agir pour le vivant souhaite participer à l’élaboration de nouvelles méthodologies pour agir concrètement.” En revanche, ce moment étant à huis clos (entre-soi +++), il nous est difficile d’en évaluer la portée effective mais on peut penser que les débats seront peut-être les plus ancrés dans la réalité locale et les problématiques du temps présent. Quel dommage dès lors de restreindre la diffusion de ces moments…
4. Pour le vivant ?
Alors oui, le contenu est bien sûr louable : le vivant va mal, il faut le “penser”, le “célébrer” et enfin le sauver. Zut, nous qui avions passé l’été à nous réjouir de la canicule mortelle au Canada ! Et oui, Agir pour le vivant c’est un peu enfoncer les portes ouvertes de 30 millions d’amis. On nous rappelle que non, l’Homme n’est pas biologiquement supérieur aux autres espèces, que oui le vivant est riche et varié et que non ‘faut pas polluer, ça tue les hérissons et les petits oiseaux. Zut, nous qui étions persuadés qu’on vivrait mieux sans toutes ces bestioles ! Au milieu de ce catéchisme à la fois touchant et un peu ridicule – puisque, redisons-le, l’audience clairsemée est déjà une audience convaincue ! -, on met en avant, heureusement, quelques belles initiatives.
En voici trois à retenir :
- répondre à l’appel du Rhône : un projet de mobilisation collective suisse pour la reconnaissance de droits juridiques au fleuve : https://www.id-eau.org/ et #AppelDuRhone lancement le 18 septembre.
- défendre le vivant en s’entourant de juristes qui vont imaginer les lois de demain en s’appuyant sur la multiplication des jurisprudences : chacun·e peut ainsi devenir gardien·ne de la nature et trouver une voie concrète à sa portée pour défendre le vivant même si cela peut sembler insurmontable. Voir Marine Calmet et son ouvrage : Gardiens de la nature.
- lancement de la nouvelle campagne de “On est prêts” : “Bienvenus en zone sauvage“: chacun·e étant concerné·e, chacun·e peut faire un don à un groupement d’associations qui oeuvrent pour le vivant.
Bon c’est bien joli, c’est même beau ces actions, mais avec tout ça on se retrouve à (encore) faire reposer les solutions à un problème global sur les petites épaules des gentil·les petit·es citoyen·nes et leurs petits gestes.
Pendant ce temps, Total et ses copains encaissent, polluent, délocalisent et défiscalisent : on rappellera que 100 entreprises sont responsables de 70 % de la pollution mondiale. On a l’air malin avec nos pétitions et nos conférences !
Après ce festival qui n’en est pas un, après ces actions essentiellement virtuelles et ces discours déjà entendus, reste en bouche un goût un peu amer : un goût d’à quoi bon. La culpabilisation a gagné en subtilité parce qu’on nous a bien dit que c’était possible et qu’on ne faisait pas assez et qu’on a bien compris pourquoi c’était quand même un petit peu bien la merde, et de plus en plus, malgré les efforts de gens merveilleux depuis cinquante ans… mais le vivant trouve toujours un chemin non ?
En tout cas, c’est bien le nouveau thème à la mode et la suite se passe à Marseille au Congrès de la Nature, même que Manu a fait l’inauguration.
https://www.iucncongress2020.org/fr. Vous m’en direz des nouvelles !
Pour aller plus loin et écouter les captations de certaines conférences ou les podcasts : https://www.agirpourlevivant.fr/m%C3%A9dias
Les Luma Days se dérouleront les 16, 17 et 18 septembre à la Fondation Luma.
La fête des associations aura lieu dimanche 19 septembre. Après plus d’un an d’activité amputée, voire à l’arrêt, les associations reviennent sur le boulevard des Lices présenter leurs programmes dans une ambiance festive. Nous leur souhaitons de (re)trouver enfin leur public malgré toutes les difficultés qu’elles ont dû affronter ces derniers mois.
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