A chaque saison son format. Ce mois-ci, Virginie Maris nous livre un commentaire 100% distanciel, dans une ambiance Carnets du sous-sol, sur cet étrange conseil municipal auquel les élus de l’opposition n’ont pas assisté.
Alors ce n’est plus l’esprit d’escalier, c’est carrément l’ascenseur pour le 4e sous-sol qui m’empêche de dormir ce jeudi soir. J’avais bu suffisamment de café pour tenir le coup lors de ce conseil que j’imaginais fleuve, avec les presque 50 délibérations à passer au vote. Mais au moment où le Maire commença l’appel, avec déjà 10 bonnes minutes de retard, seuls 21 élus de la majorité étaient présents, soit deux de moins qu’il n’en faut pour atteindre le quorum qui nécessite 23 présents. L’opposition décida de quitter la salle pour n’être pas les faire-valoir de cette majorité amputée d’un tiers de ses membres.
Selon le règlement intérieur (chapitre III, article 11) et le CGCT (article L2121-17), si le quorum n’est pas atteint, le Maire doit reconvoquer le Conseil municipal à au moins trois jours d’intervalle.

Je ne vous cache pas que je suis un peu perplexe sur l’interprétation de ce texte de loi, mais d’autres semblent convaincus que l’absence de quorum au moment de l’appel invalide l’ensemble de la séance et des délibérations qui pourraient y être votées. Ce ne fut en tous cas pas l’avis du Maire. Il considéra qu’il suffisait d’attendre un peu, éventuellement de passer quelques coups de fil pour houspiller les absentéistes, et qu’enfin, une grosse demi-heure plus tard, l’arrivée de deux élus retardataires l’autorise à reprendre la séance, sans nouvelle convocation et sans aucune opposition pour lui mettre des bâtons dans les roues.
Et pourtant, c’est tout un fagot que nous avions en réserve pour ce conseil municipal qui joue, comme au poker, l’avenir de la ville. Car ce dernier semestre de mandat prend des allures de grande braderie avant fermeture, avec le déclassement et la vente de deux sites phare de la ville.
Nous espérons que la loi sera respectée et que le Maire aura l’obligation de remettre en débat ces délibérations votées dans un cadre non-réglementaire. Mais dans le doute, je propose de commenter, pour nos lecteurices, deux délibérations particulièrement critiques de ce conseil, auxquelles j’ajouterai les commentaires de Cyril à propos de la Convention de relogement des habitants de Barriol et même (pourquoi se priver ?) une petite « question diverse » que j’avais transmise au cabinet 48h avant le conseil, comme le règlement nous y oblige.
Ascenseur donc, tout le monde descend ! Au -1 pour les Minimes ; au -2 pour Mistral ; au -3 pour l’hôtel de police ; et au – 4 pour Barriol.
Premier sous-sol – Les Minimes

J’ai déjà abondamment commenté cette vente du site des Minimes au groupement Redman et Vestia, deux promoteurs immobiliers qui surfent sur la vague Bas Carbone. On pourra discuter un autre jour de cet engouement des bétonneurs pour la novlangue du développement durable et rappeler que chaque tonne de béton supplémentaire, c’est du Carbone en plus dans l’atmosphère et de la terre en moins pour se nourrir. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande deux articles publiés dans la revue Terrestres, « Architecture et agriculture – en finir avec l’imaginaire métropolitain » de Xavier Bucchianeri et « En finir avec l’architecture-as-usual » de Mathias Rollot, qui dénoncent le greenwashing de ces nouveaux projets immobiliers et autres éco-quartiers high-tech.
Je ne reviendrai pas sur tout le mal que je pense du projet de “Cité de l’image et du vivant” et tout ce dont cette vente nous prive en bradant à des intérêts privés ce terrain public de 6,6 hectares, idéalement situé entre le centre-ville et les marais de Beauchamp, qui représente un potentiel inestimable pour mener une politique sociale et écologique dans notre ville.
Je vais m’en tenir aux remarques factuelles et questions précises que je souhaitais adresser à la majorité :
Quelles garanties sur le projet ?
Sur le projet dans son ensemble, j’étais surprise d’apprendre sur le site de Vestia que « le site s’implantera sur une friche militaire, réhabilitant ainsi un espace sous-utilisé pour créer un nouveau morceau de ville vivant et utile. ». Mais bon, que l’investisseur Montpelliérain soit un peu approximatif sur l’histoire de notre cité, on peut vivre avec. D’autres éléments sont plus troublants. On peut lire par exemple que le site « accueillera notamment un incubateur culturel, une fabrique de l’image, des résidences d’artistes, des espaces partagés, mais aussi des logements, un hôtel, des commerces et un tiers-lieu. »

Dans le projet déposé, une « possibilité d’hôtel à l’étude » est pudiquement évoquée dans le préambule, mais il n’en est plus jamais fait mention dans la description du projet, pas plus que les résidences d’artistes dont on pensait que l’empire immobilier de Maja Hoffman (qui, se murmure-t-il dans les chaumières, pourrait bientôt s’enrichir d’un impressionnant édifice entre les arènes et le théâtre antique. Vous voyez de quoi je parle ?) suffisait amplement à saturer la ville d’artistes en résidence. D’où ma question, ou plutôt, mon inquiétude. Le site, pour être vendu, doit être libre de toute servitude. Le PLU est très vague à ce stade puisque le zonage 1AUEm-m en fait une zone à urbaniser propices à toutes sortes de bâtis à l’exception des constructions agricoles (ah ben ça, c’est dommage !), des centres de congrès et d’exposition (ah ben ça, c’est précis !) et du commerce de gros (ah ben ça, c’est tant mieux !). Bref, une fois signée la vente, quelles garanties avons-nous que les promoteurs feront bien ce qu’ils ont projeté de faire ? Que ce terrain ne sera pas fractionné, revendu, détourné de son soi-disant rôle structurant pour la ville et les mobilités ? On m’aurait peut-être répondu que la Mairie garde la main sur les permis de construire, mais quand on s’oppose au projet rue Mireille et à tant d’autres immeubles sortis de terre comme des champignons, Mme Aspord rétorque que la ville ne peut pas refuser un permis de construire tant que le projet déposé est conforme aux dispositions du PLU. J’aurais aimé que M. Jalabert m’explique comment la ville peut s’assurer de la conformité de ce qui sera fait avec le projet qui nous est présenté. Et croyez-moi, j’en aurais pris bonne note, car je peux d’ores et déjà parier que ce que nous verrons pousser aux Minimes, si quelque chose y pousse un jour, n’aura rien à voir avec l’écoquartier dédié aux mobilités douces et à la mixité sociale qui nous est vendu dans la brochure de Redman et Vestia.
Quelle évaluation de France Domaine ?
Lorsque nous avons discuté de ce projet en conseil municipal le 3 avril 2025, M. Jalabert nous a dit que l’évaluation de France Domaine nous serait communiquée. Évidemment, nous n’avons rien reçu. Un peu plus tard pendant les discussions, il s’est fendu d’une remarque sarcastique sur le fait que nous n’étudions pas bien les dossiers puisque l’avis des domaines était mentionné dans la délibération. Alors en effet, c’est le cas de le dire, il est « mentionné ». On peut lire, dans la liste des visas :
« Vu l’avis de France Domaine no2024-13004-04598/DS 15897945 du 19 mars 2024 »
Or cet avis n’est présent ni dans le dossier, ni dans les annexes des délibérations d’avril ou d’hier, moins encore dans l’AMI, il est introuvable. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas qu’il y ait un avis, mais quel est cet avis. Autrement dit, selon les estimations de France Domaine, combien vaut aujourd’hui ce terrain sur le marché ? De mémoire, dans toutes les cessions de bâtiments publics qu’on a vu passer depuis le début de mandat (et il y en a un paquet!), l’évaluation de France Domaine était jointe au dossier et son montant explicitement indiqué dans la rédaction de la délibération. Ce n’est pas le cas cette fois-ci. Et cela devrait suffire à suspendre nos votes. Que l’on soit dans l’opposition ou dans la majorité, il me paraît impensable d’oser voter pour la cession d’un bien municipal à si fort enjeu sans avoir la moindre idée de sa valeur économique.
Quelles conditions suspensives ?
Il était écrit, dans la délibération No2 du conseil d’avril, qu’un pré-contrat serait signé au plus tard le 20 septembre 2025 et qu’il serait accompagné des conditions suspensives suivantes :
- Obtention de la (ou des) autorisation(s) d’urbanisme nécessaire au projet, purgées des délais de recours et de retrait administratif.
- Conditions usuelles relatives à l’état du sol et du sous-sol, notamment en matière de pollution et d’archéologie.
- Formalisation des accords avec les partenaires par la régularisation de Promesses de Vente en Etat Futur d’Achèvement portant sur des valeurs minimales de cession pour le campus de l’image, le Cinéma et 4.200 m2 de Bureaux (ils sont à fond sur les majuscules 😉)
- Toutes formalités légales préalables à la vente (déclassement du domaine public, …)
Dans la délibération du 2 octobre, l’échéance du pré-contrat est repoussée au 30 octobre 2025 et la liste de conditions suspensives s’allonge :
- Conditions usuelles : purge des droits de préemption/préférence, origine de propriété, absence de servitudes (ou le cas échéant modification des servitudes existantes) ou de cahier des charges rendant le projet de l’acquéreur incompatible ;
- Condition suspensive de désaffectation effectif et de déclassement des parcelles appartenant à la Commune conformément aux dispositions du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CGPPP) et notamment l’article L3112-4. Étant précisé que la réalisation de cette condition devra impérativement intervenir avant l’obtention de la première autorisation d’urbanisme, soit prévisionnellement au plus tard le 30 mars 2026. A ce titre, le groupement est d’ores et déjà expressément autorisé à déposer toutes autorisations d’urbanisme sur les parcelles constitutives de l’assiette du projet.
- Obtention des autorisations d’urbanisme nécessaires au projet (permis d’aménager et permis de construire), ayant acquis un caractère définitif, aux fins d’autoriser la réalisation de l’opération projet par le Groupement REDMAN/VESTIA, tel que plus amplement décrit ci-dessus. Étant précisé qu’une convention de réalisation des places de stationnement de la tranche 1 sera nécessaire sur le terrain de la tranche 2.
- Absence de variation du régime et des taux des taxes et participations d’urbanisme applicables au projet entre la date de remise des offres et la date d’obtention des autorisations de construire,
- Conditions usuelles relatives à l’état du sol et du sous-sol, notamment en matière de dépollution, de géotechnie et d’archéologie.
- Formalisation des accords avec les partenaires via la régularisation de Promesses de Vente en État Futur d’Achèvement portant sur des valeurs minimales de cession à des conditions financières usuelles pour le campus de l’image, le cinéma, les bureaux et la résidence étudiante sociale.
- Obtention des autorisations environnementales et administratives définitives nécessaires à la réalisation de l’opération projetée : étude d’impact, Dossier Loi sur l’eau, absence de découverte d’espèces protégées…
- Terrain d’assiette de l’opération libre de toute location/occupation ;
- Une durée d’avant-contrat adaptée aux enjeux du projet.
- Caractère définitif de la présente délibération ;
- Une indemnité d’immobilisation qui pourra prendre la forme d’une garantie intrinsèque.
Clairement, les tenants et les aboutissants de cette longue liste me dépassent. S’il y a parmi nos chères lecteurices des personnes compétentes pour décoder ce langage technique, nous serions vraiment très preneurs d’une petite exégèse juridique. Mais il y a quand même un truc qui me fait tiquer. Pour un écoquartier, que dis-je, pour une « Cité de l’image et du vivant », qui se targue d’une « intégration au vivant », notamment grâce à « l’intégration d’un écologue dans l’équipe de maîtrise d’œuvre ; l’inspiration de la démarche Effinature® et Biodiversity® (alors là j’ai cherché, ça n’existe pas, mais ils devaient faire référence au label BiodiverCity® construction, bon on va pas chipoter hein 😁… ?) ; la mise en place d’un cahier des charges “biodiversité” du projet », n’est-il pas un peu paradoxal d’envisager annuler l’achat du terrain s’il s’avérait qu’on y trouve une espèce protégée. Parce que, autant leur dire tout de suite, des espèces protégées il y en a assurément pléthore dans ce site qui a bénéficié d’une grande quiétude pendant des années et qui est un point de jonction entre divers espaces verts alentours. Le très périmé relevé faune flore de 1993 avait déjà identifié 28 espèces animales bénéficiant d’un statut de protection. On me chuchote à l’oreillette qu’il y en aurait aujourd’hui bien plus et avec des statuts de protection autrement plus forts. Évidemment, c’est contraignant et on ne peut pas détruire et bétonner à sa guise quand on s’installe sur l’habitat d’espèces rares et menacées, mais si le pari est celui de la cohabitation avec le vivant, alors c’est une opportunité, un privilège même que d’avoir déjà un beau potentiel de biodiversité sur le site. Pour eux néanmoins, cela devient une clause rédhibitoire ; preuve que les discours de greenwashing de la Mairie et de ces boîtes à verdir le béton sont bien loin d’une attention écologique véritable.

Quelle protection de la vocation agricole des 3 hectares non-artificialisés ?
Je l’ai dit et redit. Nous devrions garder ce terrain si précieux pour le territoire dans le giron de la Mairie. Et même si l’on cherche des investissements privés pour le valoriser, il y a d’autres façons de les attirer qu’en nous dépossédant d’un bien si précieux. Par exemple, le bail emphytéotique permet de céder contre un loyer modeste l’usufruit d’un bien sans en perdre la nue-propriété. La Mairie a d’autres priorités en tête et il semble que sa soif de recettes soit inextinguible. Mais même avec cette vente à laquelle nous sommes opposés, il y aurait des façons de sécuriser les trois hectares que le projet promet de réserver aux espaces verts et aux activités agricoles. Je reprends ici quelques suggestions que j’ai faites dans mon « esprit d’escalier » d’avril dernier. Si la Mairie entend faire sa part dans l’atteinte des objectifs de ZAN (zéro artificialisation nette), elle pourrait :
- réviser le PLU pour remettre cet espace en zonage agricole ;
- contracter une obligation réelle environnementale (ORE) pour attacher une servitude environnementale et garantir la vocation non-constructible de cet espace pour 99 ans ;
- diviser la parcelle et ne vendre au promoteur que la partie qui a vocation à être construite.
Bref, pour Changeons d’Avenir, il n’y a rien qui aille dans ce projet. Tellement rien que ça donne des envies de zbeul et d’auto-gestion. Vous connaissez le quartier des Lentillères à Dijon ? Je vous recommande de regarder un peu ce qui se passe là-bas : même projet d’écoquartier, même surface, même configuration du terrain.
C’est sûr que c’est pas ça qui va faire rêver de Carolis et Jalabert !
Deuxième sous-sol : L’espace Mistral
N°24 : DÉCLASSEMENT DE L’ANCIEN COLLÈGE FRÉDÉRIC MISTRAL
N°25 : CESSION DE L’ANCIEN COLLÈGE FRÉDÉRIC MISTRAL
Pour commencer, pas de meilleure présentation que celle que peuvent en faire les porteurs du projet eux-mêmes. Attention, vous allez en prendre plein les mirettes, jamais on n’aura tant aimé “ce gigantesque musée à ciel ouvert” (dixit Christophe Barillé, président de François premier) qu’est notre ville.
Pour ce qui est du “cabinet médical, de la maison des associations et du restaurant”, ce n’est pas exactement ce qui est présenté aux riverains ou dans le dossier de la délibération. Mais vous l’aurez compris, ici on voit grand, on vend du rêve, on ne va pas commencer à s’enquiquiner avec les détails. Et puis pour les ploucs et ringards du quartier Voltaire, je ne vous dis même pas comme ça va ruisseler. C’est Jean-Michel Wilmott, le starchitecte le plus en vogue du pays d’Arles, qui nous le dit :
La rénovation de cet ilot va avoir une résonance énorme sur le quartier. C’est évident que dans les rues adjacentes, les petites maisons vont avoir envie de se ravaler parce que notre bâtiment est très propre. Peut-être reprendront les teintes de nos volets, peut-être reprendront les teintes de nos huisseries. C’est le point de départ d’une rénovation d’un petit quartier. Ce qu’on veut s’est amener de l’art de vivre, amener du charme, ramener de la qualité de vie, de la quiétude, des bonnes ondes. Voilà, si je résume notre projet, on va amener des bonnes ondes dans ce lieu.
Bon, lui appelle ça “des bonnes ondes”, moi je l’appelle de “la gentrification”, mais c’est une question de vocabulaire. Et après cette excursion dans cet îlot de fraicheur et de volupté du couvent des Récollets, passons aux choses sérieuses, le déclassement et la cession.
Si les Minimes sont un peu cachées, pour Mistral, c’est une autre histoire. Ce bâtiment fait partie de la vie de nombre d’entre nous. Il y a celleux qui ont usé leur fond de culotte sur les bancs du collège, celleux qui plus tard ont envoyé leurs enfants à Môm’Arles, ont appris la sécurité routière autour de petits plots disposés dans la cour, celleux qui ont chanté, joué, aimé dans les salles associatives ou lors des stages des Suds. Il y a eu le musée de la résistance, les expos des Rencontres. Il y a aussi, surtout, un réseau d’entre-aide, professionnel et bénévole, qui a prouvé que la ville d’Arles était accueillante même pour les personnes les plus démunies ; qu’il était possible, chez nous, de trouver un café bien chaud, une oreille attentive, une aide sociale ou juridique dans les moments les plus difficiles : la Croix rouge, l’accueil de jour du CCAS…
L’ancien collège Mistral, c’est un palimpseste, une bâtisse comme autant de couches successives où s’entremêlent la grande histoire de la ville et nos petites histoires collectives et individuelles. Bref, Mistral, c’est un peu le cœur battant du quartier Voltaire. Légèrement défraichi peut-être, mais idéalement situé, parfaitement accessible, vaste, connecté au centre comme aux alentours.
Avec Changeons d’Avenir, nous en rêvions. Faire de ce lieu une Maison des Écologies et des Résistances, une salle de répétition et de concert, un espace féministe d’entre-aide et d’empuissantement. Finalement, nous aussi, nous étions dans le mood “bonnes ondes” quand on projetait l’avenir de ce lieu.
Et voilà que la Mairie décide de vendre tout ça à la va-vite. Et pas à n’importe qui. C’est François premier qui régale. Les Napoleons ont battu retraite (pour l’ancienne école Portagnelle dont la vente a finalement capoté), c’est un roi de France qui reprend le flambeau du quartier !
Le hic, c’est qu’il faut d’ores et déjà déclasser le bâtiment. Le déclasser ça veut dire acter le fait qu’un immeuble appartenant au domaine public n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public. Et il faut le faire vite pour pouvoir signer la vente avant fin 2025. Vous vous souvenez, la grande liquidation avant fermeture ! Mais le hic du hic, c’est qu’il y a encore le CCAS dans l’ancien collège Mistral, avec son accueil de jour qui offre l’accès aux plus démunis à un petit-déjeuner, une laverie et une bagagerie, une adresse postale, un accompagnement social, des permanences d’accès aux soins de santé et du centre médico-psychologique. Le projet de la Mairie, pour faire place nette et accueillir comme il se doit François premier, c’est de délocaliser tout ça au 16ter rue Gaspard Monge, à Barriol, soit à 35 minutes de marche du centre-ville, également accessible en autobus par la ligne 4, qui passe à peine une fois par heure.
Vous pouvez consulter l’article de l’Arlésienne qui rend bien compte de la situation :

Dans la délibération de septembre 2023, le conseil municipal avait déjà, par anticipation, voté la désaffectation de l’ancien collège Mistral, s’engageant à ce que le CCAS soit relocalisé avant le 30 juin 2025 pour rendre possible et effectif son déclassement. Nous sommes en octobre. Les travaux dans le bâtiment qui doit accueillir le CCAS rue Gaspard Monge ne sont toujours pas finis et l’accueil de jour occupe toujours le RdC de Mistral. Grand bien lui fasse ! Mais alors par quel tour de passe-passe la Mairie peut-elle signer une délibération déclarant le “déclassement de principe” de ce bâtiment ? Nous avions déjà des doutes concernant le déclassement de Léon Blum alors que de nombreuses associations n’avaient pas trouvé de solution de relogement. Mais là, c’est carrément un service municipal qui occupe les lieux. Comment les élus de la majorité ont-ils pu voter sans sourciller et sans la moindre explication une délibération pareille ?
Il semble que l’argument tienne à une sorte d’engagement d’après lequel le CCAS serait délocalisé dans quatre mois au plus tard, à savoir le 2 février 2026. Mais si le calendrier est à ce point non maîtrisé que nous ayons déjà quatre mois de retard par rapport à la première échéance, comment s’assurer qu’on sera en mesure de libérer les lieux début février ? L’accueil de jour ne sera-t-il pas la variable d’ajustement, obligé de débarrasser le plancher coûte que coûte, quand bien même les travaux dans ses nouveaux locaux seraient inachevés ?
Je ne sais pas si la majorité aurait pu m’éclairer en séance. En tous cas, nous resterons très vigilants sur ce dossier et, évidemment, nous n’aurions jamais voter pour une telle délibération.

Voilà pour le déclassement (délibération 24), mais même si ce projet ne s’inscrivait pas dans une logique assumée de marginalisation des plus démunis, nous serions opposés à cette cession (délibération 25). Alors qu’on conteste ce projet depuis le début, le temps nous donne raison. Lors des trois présentations publiques qui en ont été faites, il n’a cessé de changer, toujours allant vers le pire : on est passé de 60 à 88 logements, de 40 places de parking à 60. Il y a bien l’église qui est rétrocédée à la Mairie contre 700 000 euros pour y faire cette fameuse salle polyvalente, mais là encore, on ne comprend pas trop le projet : à qui s’adresse cette salle ? A quels besoins répond-elle ?
Pour l’espace commercial, il a d’abord été question de restaurant, puis d’une crèche, puis d’un centre socio-médical. Là encore, les riveraines et riverains se plaignent d’un grand flou et d’une difficulté à faire entendre leurs propres visions pour l’avenir du quartier.
Une chose est sûre, c’est qu’il y aura des logements et des parkings. Et comme aime à nous le répéter Mme Pétetin, les Arlésiennes et les Arlésiens ont besoin de logements. C’est vrai qu’ils peinent à habiter dans le centre-ville, tant la concurrence des Airbnb et autres locations saisonnières est féroce. Qu’à cela ne tienne ! Dès maintenant, grâce à François premier, ils peuvent acheter un des deux studios ou des treize appartements deux pièces disponibles à la vente dans l’ancien collège Mistral. Oui oui, la cession n’est pas encore signée mais les appartement sont déjà en vente sur Internet :

Bon, autant vous le dire tout de suite, ça n’est pas à la portée de toutes les bourses, mais la rénovation multi-générationnelle, c’est pas donné !
Un studio (1 pièce) de 34m2 vous coûtera la modique somme de 273 000 €. Euh… Attendez, il n’y aurait pas un zéro en trop là ? On parle d’un prix de vente à plus de 8000 €/m2. J’y crois pas ! Dans le quartier, dont les prix sont un peu gonflés par la hype de la Hauture, la moyenne est à 3000 €/m2. De l’autre côté du boulevard Émile Combes, à Montplaisir Sud, elle est à 2600 €/m2.
Alors on se souvient que M. Jalabert est très soucieux que les jeunes Arlésiennes et Arlésiens puissent étudier et se loger sans avoir besoin de quitter notre ville. Mais vous en connaissez, vous, des étudiants qui pourraient démarrer dans la vie avec un prêt immobilier de 273 000 € ? Parce qu’un studio de 34m2, on ne va pas se mentir, soit c’est pour un étudiant soit c’est… OMG ! pour faire des Airbnb et des locations touristiques !?! Damned! C’est pas vrai…
Enfin, les riches étudiants, célibataires, jeunes couples et personnes âgées s’en tireront probablement mieux en misant sur un 2 pièces dont le prix oscille entre 7700 et 7900 €/m2. On est dans la fourchette parisienne, et on accote la promenade des Anglais à Nice. La promenade des Anglais ! A Nice !!! Non mais allô quoi !
Pour vous donner une petite idée de ce que ce genre de projet peut faire sur le marché immobilier à Arles, l’estimation des Domaines (car oui, celle-ci, contrairement aux Minimes, est annexée au dossier) se base sur un prix de vente pour ce type de bâtiment avant rénovation de 796 €/m2. Facteur 10 ! Avec des opérations largement défiscalisées parce que c’est le business modèle de François premier, spécialiste de la rénovation du bâti ancien, qui bénéficie de tout un tas de niches fiscales et autres aides publiques. Merci François !
Troisième sous-sol : L’hôtel de police
Ce non compte-rendu est interminable. En même temps, c’est une façon de reproduire et de partager avec vous le sentiment d’interminabilité qui me saisit souvent à mesure que les heures passent et que les délibérations n’avancent pas. Alors déjà une promesse (ça mange pas de pain! 😋), je ne commenterai pas le compte-rendu de gestion et je ne dirai rien des 70 000 euros dédiés au Karaoké géant sur la place de Mairie !
N’empêche, j’avais quand même envoyé une “question diverse” et je vous la livre telle qu’elle était rédigée :
Je souhaite profiter de la période des questions diverses pour interroger Monsieur le Maire sur la façon dont la ville entend articuler le travail des gardes champêtres et de la police municipale avec d’éventuelles missions de maintien de l’ordre réservées à la gendarmerie et à la police nationale. J’aimerais notamment savoir quelles mesures sont envisagées pour éviter que d’éventuelles interpellations telles que celle qui a eu lieu sur la RN113 le mercredi 10 septembre ne mettent en danger les agents municipaux et les manifestants.
Cette question fait suite à une interpellation musclée dont j’ai été témoin lors de l’action spontanée du mouvement “Bloquons tout” du 10 septembre. Il en a été question dans la Provence du lendemain :

Ce que l’article ne dit pas, c’est l’impression que nous sommes nombreux à avoir eue d’une action complètement inappropriée. Dans la photo de l’article que vous voyez ci-dessus, un policier municipal s’apprête à faire signe aux véhicules bloqués par les manifestants de reprendre leur circulation, alors même qu’il reste une cinquantaine de personnes sur le bord de la voie, qu’un manifestant est plaqué au sol, les pieds à quelques centimètres à peine de la voie de circulation pendant que des agents municipaux peinent à lui passer des menottes qu’ils ne savent manifestement pas manipuler. Il n’y a pas eu de drame, heureusement, mais il s’en est joué d’un cheveux et cela restera probablement une expérience traumatisante pour le manifestant : blessé par la police, il a eu 4 jours d’ITT et 12 jours d’arrêt de travail. Il a fait 30 heures de garde à vue pour sortir finalement lavé des accusations qui pesaient sur lui (même s’il doit faire un stage de citoyenneté, probablement pour justifier cette arrestation digne d’un western 🤠), a dû serrer les dents pendant que l’on sciait ses menottes dont la clé avait été cassée dans sa serrure (ça ressemble à un sketch mais j’imagine que c’est moins drôle à vivre qu’à lire).
Tout cela pourrait sembler anecdotique, mais, alors que partout dans le pays la colère sociale monte et les violences policières sévissent, il convient de se demander quel rôle on entend donner aux agents municipaux dont l’effectif et les moyens ont explosé lors de ce mandat. Armés et équipés comme des policiers nationaux, dotés d’un hôtel de police flambant neuf, d’un dispositif de vidéosurveillance high-tech et d’un effectif total de 70 personnes (soit 45 policiers municipaux, 6 garde-champêtres, 15 ASVP et 4 personnels administratif), la police municipale semble s’éloigner de plus en plus du rôle de police de proximité qui est le sien. Le coût pour la ville en est faramineux et force est de constater que, quelles qu’en soient les raisons, le sentiment d’insécurité dans la ville ne fait que croître.
Nous reviendrons bientôt avec un bilan plus complet, et surtout avec une comparaison chiffrée des moyens dédiés à la prévention et de ceux dédiés à la répression. Il n’y a pas de formule magique j’en conviens. Mais si la population commence à avoir peur de sa propre police municipale, c’est certainement qu’on ne va pas dans la bonne direction.
Quatrième sous-sol : Barriol
C’est Cyril qui a planché sur le sujet et il a été plus réactif que moi en postant hier soir ses commentaires à propos de cette délibération. Je me contente donc ici de reporter ces propos :
C’est une grande frustration, après avoir travaillé plusieurs jours avec de nombreux membres de Changeons d’Avenir sur ces délibération, et après avoir été à la rencontre de nombreux citoyens qui nous avaient chargé de porter leur voix, de rester silencieux. N’en déplaise à ceux qui déjà, pointent du doigt notre départ comme un preuve de lâcheté ou un manque d’argument, j’espère au moins faire la preuve du contraire. Je reviendrai notamment sur une délibération qui concernait la charte de relogement sur le quartier de Barriol dans le cadre du projet ANRU. Je m’étais déjà exprimé sur cette charte lors d’un conseil d’agglo, il y a quelques semaines et m’était abstenu. Vous retrouverez mon intervention sur cette vidéo à 2h16’ 34.
Je reste persuadé que les projets de rénovation ANRU relève bien souvent d’une vision passéiste et paternaliste des quartiers, au moins d’un condescendance souvent malaisante. Passéistes lorsque l’on croit que l’urbanisme peut résoudre les problèmes sociaux ou sécuritaires, paternaliste, lorsque l’on dit à des citoyens « on sait ce qui est bien pour vous, on va vous mettre là, puis vous n’avez pas votre mot à dire. »
On voit bien ce que cette vision a engendré dans les années 1970 les QPV (Quartiers Politique de la Ville) d’aujourd’hui. Avec cette même vision, il n’y a pas de raison que les résultats diffèrent. Surtout de nombreux urbanistes et sociologues le disent : les projets ANRU sont des investissements massifs, couteux pour la collectivité, entre deux périodes d’abandon. Les grands gagnants sont les industriels du BTP et les élus qui peuvent ainsi s’abstenir de porter un vrai politique sociale. Et quand je questionne la municipalité sur les investissements en politique de la ville et que l’on me répond ANRU, ça relève de la même idéologie. Monsieur de Carolis est peut être animés des meilleures intentions du monde, mais il me semble que la phase d’observation, nécessaire à la co-construction du projet avec les habitants, a été menée trop rapidement et ces habitants ont l’impression, que, au lieu de construire une projet avec eux, on essaye de plaquer une vision de manière verticale, alors que ce sont leurs vies qui en sont chamboulées. Ne comprenant pas les choix de faire disparaitre tel immeuble plutôt qu’un autre, de tracer une route à certains endroits. Prenons l’exemple de la place des troubadours, où la vision des habitants est pleine de bon sens, le bon sens des usagers, de ceux qui vivent ici, et qui souffrent du ton de mépris adoptés par certains élus lors des rencontres. Et il a fallu arracher, au forceps, après des mois de contestation, de prise de parole en séance, d’articles dans les journaux, pour arriver au final, à un compromis qui ne satisfait réellement personne.
La sécurité comme argument premier, la mixité sociale comme pouvant venir à bout de la misère, nous semblent des arguments trop faciles. Il y a quelques mois, dans une délibération sur l’ANRU, Monsieur souque défendait l’idée saugrenue d’un urbanisme qui laissait moins de place aux trafics. Mais les trafics, c’est dans les quartiers, mais c’est aussi rue de la Roquette, à Portagnel, à la Cavalerie. Un fois évacué cet argument lunaire démenti par tous les retours d’expérience des projet ANRU ailleurs sur le territoire reste un constat :
Le relogement, c’est le talon d’Achille des projets. C’est une sur-précarisation des plus fragiles : personnes âgées, isolées, malades, familles en difficulté. Comme constaté sur d’autres projets, on perd du monde lors de la transformation de ces quartiers et l’on perd les plus fragiles.
C’est certes le sens de cette charte qui devait nous être présentée. Et elle a le mérite d’exister. Pour autant, après avoir consulté des chartes sur d’autres communes dont le bilan s’est avéré compliqué, l’on retrouve peu ou prou les mêmes choses dans cette charte, les mêmes conditions, rien de révolutionnaire donc, qui nous permettrait d’espérer mieux.
Un comité de suivi du relogement qui se réunit une fois par mois, et un comité de pilotage une fois par an. C’est trop peu. Surtout, d’autres communes sont bien plus engagées et l’on peut regretter l’organisation des comités de suivi et comité de pilotage, dans lesquels ce sont les bailleurs sociaux qui sont à la manœuvre, et dans lesquels la place de la ville n’est pas assez forte. Comme j’ai déjà pu l’évoquer lors de la mise en place des instances de concertation, à chaque fois que l’on met un fusible, cabinet conseil, bailleur, entre les habitants et les élus, on perd de l’info, du contact et de la confiance.
J’en veux pour preuve les témoignages que je recueille. Les habitants le disent, les bailleurs sont à la manœuvre, et ils ont du mal à croire les promesses pour demain, des bailleurs qui n’ont pas tenus leurs promesses d’hier, surtout en présence d’élus qui restent étrangement silencieux lors des rencontres.
L’opposition se fédère, notamment rue de Vercedy, de la part de Personnes isolées, âgées, malades, qui ne souhaitent pas être trimballés de logement en logement à la fin de leur vie. Pour d’autres Il s’est construit au fil du temps une maillage d’interactions, de solidarité, de manière de fonctionner, pour pallier, souvent, au manques des services publics. Et la crainte de perdre tout ça et de se retrouver, de nouveau, isolé et démuni.
L’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 que les solutions de relogement doivent pourvoir à trois points primordiaux :
– être en bon état d’habitation et remplir les conditions d’hygiène normales ,
– correspondre aux besoins personnels ou familiaux et le cas échéant, professionnels des personnes relogées ,
– correspondre aux possibilités financières des personnes relogées.
Mais les témoignages recueillis concordent vers le fait que les logements proposés sont loin de répondre à ces trois conditions, notamment avec des loyers largement supérieurs. Les locataires sont laissés seuls face au bailleur avec des décisions à prendre en 10 jours et des refus à motiver par écrit.
Ce projet ANRU, à vouloir aller trop vite, est usine à gaz montée à l’envers. Un projet plaqué sur le quartier avec des séances d’information que la majorité appelle concertation.
Si la charte sur laquelle nous devions débattre ce soir a le mérite d’exister, elle reste globalement très proche de celles qui ont échoué ailleurs à protéger les plus vulnérables. Dès lors, comment la valider en pleine conscience ? Pour résumer, je dirai que le projet ANRU en soit est déjà largement discutable dans son efficacité à lutter contre la misère sociale, et qu’il sert plus souvent d’outil de gentrification, pas plus qu’il n’est efficace pour assurer plus de sécurité. Deuxièmement, les conditions de relogement précarisent souvent les plus démunis, surtout lorsque la municipalité en délègue la responsabilité. À Arles, il me semble que dans les différentes instances de relogement, la Mairie se cache derrière les bailleurs et n’est pas présente à hauteur de ce qu’elle devrait. Enfin, les premiers retours qui nous sont faits valident cette hypothèses puisque les offres de relogements en répondent pas aux critères règlementaires, avec des logements repeints à la va-vite pour cacher la misère, et des loyers qui deviennent inaccessibles pour les ménages les plus fragiles. Si nous avions pu voter ce soir au conseil municipal, nous nous serions abstenu et n’aurions pas voté pour cette charte de relogement.
En guise de conclusion
Eh bien voilà, mon petit débrief s’est transformé en immense AlterCompteRendu. Vous ne m’en voudrez pas trop j’espère. Parce qu’au final, je croise les doigts pour que tout ça puisse être redit de vive voix, en conseil municipal, une fois que la préfecture aura déclaré invalide la séance d’hier. Et alors, vous m’aurez lue pour rien puisqu’il vous sera possible de regarder la prise 2 du CM d’octobre. Mais Monsieur le Maire et sa majorité semblaient si dépités que nous les privions d’un débat démocratique constructif… Comme ça, il ne sera pas dit que Changeons d’Avenir n’a pas fait sa part! Et si des élus de la majorité souhaitent nous répondre par écrit et qu’ils m’y autorisent, je m’engage à publier leur réponse sur notre site. A bon entendeur…!