Auteur/autrice : Changeons (Page 13 of 14)

Virginie Maris

Virginie Maris a 41 ans. Elle est directrice de recherche au CNRS et travaille en philosophie environnementale.

Elle s’est installée dans la région en 2006, d’abord au Sambuc puis, à partir de 2011, dans le quartier Monplaisir. Elle travaille à Montpellier, au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE), et ses recherches portent sur les relations entre les humains et la nature ainsi que les politiques de conservation de la biodiversité. Elle est l’autrice de nombreux articles scientifiques et de plusieurs ouvrages, dont Nature à vendre (Quae, 2014), Philosophie de la biodiversité – petite éthique pour une nature en péril (Buchet Chastel, 2de édition en 2016) et La part sauvage du monde – penser la nature dans l’Anthropocène (Le Seuil, 2018). Parallèlement à son activité de chercheuse, elle participe à plusieurs instances d’expertise scientifique dans le champ de la biodiversité, notamment le Conseil national pour la protection de la nature (CNPN) et le Comité national de la biodiversité (CNB).

Pourquoi Changeons d’Avenir ?
“J’ai rejoint le collectif Changeons d’Avenir parce que j’ai la conviction que les transformations nécessaires de notre société ne peuvent venir que d’une dynamique citoyenne, au plus proche des associations et des groupes militants. La situation écologique et sociale est trop critique pour continuer à déléguer notre puissance d’agir à des professionnels de la politique qui sont bien souvent déconnectés tout à la fois des urgences écologiques de notre temps et des réalités quotidiennes de la plupart des gens.”

Quelle vision d’Arles dans 10 ans ?
“Je ne suis pas très bonne en prospective ! Mais étant données les prédictions scientifiques pour les décennies à venir, j’ai du mal à projeter l’avenir de la ville sans l’inscrire plus globalement dans un état du monde très dégradé par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui. Ce que je peux espérer de mieux pour notre territoire en 2030, c’est d’avoir su anticiper les grandes mutations en cours, écologiques bien sûr mais aussi politiques et économiques. Que l’on ait réussi à faire de notre territoire un îlot de résistance et de résilience, où la convivialité, l’entraide et la créativité auront pris le pas sur les logiques néo-libérales et/ou réactionnaires. Je nous espère liés à de nombreux îlots semblables, sorte d’archipel de villages et de villes qui seront descendus du bolide de la croissance avant qu’il ne se crashe pour de bon. Et de façon plus positive, eh bien je vois une ville sans voiture, avec pleins d’arbres fruitiers, des potagers partout, et des habitant.e.s de tous âges et de toutes origines qui collaborent et délibèrent pour inventer ensemble un monde commun.”

Cyril Girard

Cyril Girard

Cyril Girard est illustrateur et éditeur. A 44 ans, il s’implique depuis de nombreuses années comme acteur de la protection de l’environnement.

Arrivé à Arles, non pas par la ville mais par la Camargue, Cyril a exercé la profession de Garde à la Réserve nationale des marais du Vigueirat entre 1998 et 2003. C’est donc le patrimoine naturel qui l’a amené, en premier lieu, à s’installer sur le territoire.

Depuis 2003, sa profession d’illustrateur et d’auteur indépendant lui permet de continuer à oeuvrer pour la protection de l’environnement. Il a publié notamment le “Guide des oiseaux de Camargue et des étangs Méditerranéens” et le “Guide illustré de la faune de Méditerranée”.

Très actif dans le milieu associatif, il est notamment co-fondateur de l’association NACICCA (Nature et Citoyenneté Crau Camargue Alpilles) qui lui a permis de travailler sur les problématiques d’environnement, de citoyenneté et de qualité de vie sur notre territoire. Les enjeux économiques et industriels du territoire lui sont ainsi bien connus.

“Pour moi, Arles dans 10 ans sera une ville dans laquelle les connexions seront humaines, pas virtuelles. Le bruit et la pollution auront accompagné les voitures personnelles à la périphérie. La rue sera redevenue un espace social où se côtoient, sans danger piétons, cyclistes, personnes âgées et handicapés. Dans ce nouvel espace, tout le monde a sa place. Arles est devenue LA ville piétonne dans laquelle il fait bon passer un week-end. Surtout depuis que la végétation a regagné les boulevards, créant un espace de fraicheur, même au cœur de l’été. Contrairement aux autres villes de même catégorie, les grandes surfaces n’ont pas envahi les entrées de ville. Ces dispositions ont permis de garder un centre ville actif et peuplé et de maintenir un tissus vivant de petits commerces. Les hameaux lointains et les quartiers plus éloignés du centre ville ont expérimenté un nouveau mode de gouvernance avec les élus pour exprimer leurs particularités par rapport à une politique global de la ville.”

Réunion publique du 13 février

Jeudi 13 février, à la salle Jean et Pons Dedieu, vous étiez une centaine à venir nous rencontrer et discuter avec nous de trois axes de notre projet : la gouvernance, l’agriculture et l’alimentation, et la culture.

Les échanges furent très riches. Nous attendons impatiemment notre prochaine rencontre, le mercredi 26 février à Léon Blum.

Compte-rendu de la réunion du 13 février dans La Provence

Antonio Machado

J’ai suivi beaucoup de chemins,
j’ai ouvert de nombreux sentiers,
j’ai navigué sur cent océans,
et accosté à cent rivages.
Partout j’ai vu
des caravanes de tristesse,
de superbes et mélancoliques ivrognes
à l’ombre noire,
et de grands pédants à la cantonade
qui regardent, se taisent et pensent qu’ils savent
parce qu’ ils ne boivent pas
le vin des tavernes.
Méchante gens qui cheminent
en empestant la terre…
Partout j’ai vu aussi
des gens qui dansent ou qui jouent,
quand ils le peuvent,
et qui labourent
leur petit lopin de terre.
Jamais, s’ils arrivent quelque part,
ils ne demandent où ils arrivent.
Là où il y a du vin, ils boivent du vin,
là où il n’y a pas de vin, ils boivent de l’eau fraîche.
Ce sont de braves gens qui vivent,
travaillent, passent et rêvent,
et qui un jour
comme tant d’autres
reposent sous la terre.

Antonio Machado par Leandro Oroz (1925)

Antonio Machado est un poète espagnol, né en 1875 à Séville et mort en 1939 à Collioure. Il contribua au mouvement littéraire Generación del 98.

Jacques Prévert

La complainte de Vincent (Paroles, Gallimard 1945)

À Arles où roule le Rhône
Dans l’atroce lumière de midi
Un homme de phosphore et de sang
Pousse une obsédante plainte
Comme une femme qui fait son enfant
Et le linge devient rouge
Et l’homme s’enfuit en hurlant
Poursuivi par le soleil
Un soleil d’un jaune strident
Au bordel tout près du Rhône
L’homme arrive comme un roi mage
Avec son absurde présent
Il a le regard bleu et doux
Le vrai regard lucide et fou
De ceux qui donnent tout à la vie
De ceux qui ne sont pas jaloux
Et montre à la pauvre enfant
Son oreille couchée dans le linge
Et elle pleure sans rien comprendre
Songeant à de tristes présages
Et regarde sans oser le prendre
L’affreux et tendre coquillage
Où les plaintes de l’amour mort
Et les voix inhumaines de l’art
Se mêlent aux murmures de la mer
Et vont mourir sur le carrelage
Dans la chambre où l’édredon rouge
D’un rouge soudain éclatant
Mélange ce rouge si rouge
Au sang bien plus rouge encore
De Vincent à demi mort
Et sage comme l’image même
De la misère et de l’amour
L’enfant nue toute seule sans âge
Regarde le pauvre Vincent
Foudroyé par son propre orage
Qui s’écroule sur le carreau
Couché dans son plus beau tableau
Et l’orage s’en va, calmé, indifférent
En roulant devant lui ses grands tonneaux de sang
L’éblouissant orage du génie de Vincent
Et Vincent reste là dormant rêvant râlant
Et le soleil au-dessus du bordel
Comme une orange folle dans un désert sans nom
Le soleil sur Arles
En hurlant tourne en rond.

Le bordel (détail), Van Gogh, 1888

Joseph d’Arbaud

La bèstio dou Vacarés/La bête du Vaccarès (Grasset, 1926)

Voici que la “bête” s’adresse à l’homme gardian qui la traque:
– Je ne suis pas un démon et tu me redoutes, ô homme, et tu fais sur mon front et sur mes cornes le signe de l’exorcisme chrétien. Alors pourquoi me poursuis-tu, pourquoi me donnes-tu la chasse, monté sur ton cheval et armé de ta triple pique ? Dis, pourquoi me poursuis-tu ? Que t’ai-je fait ? Cette terre est la dernière où j’ai trouvé un peu de paix et cette solitude sacrée à travers laquelle, jadis, je me plaisais à exercer ma jeune force, quand je régnais, maître du silence et de l’heure, maître du chant innombrable qui, aux étoiles, des insectes de la plaine, monte, s’échange et se diffuse dans les gouffres de l’immensité. Ici, à travers ces vases salées, coupées d’étangs et de plages sablonneuses, en écoutant les beuglements des taureaux et le cri de tes étalons sauvages, en regardant, tapi, le jour, à l’horizon, trembler les voiles du mirage sur la terre chaude, en regardant, la nuit, danser sur les eaux de la mer la lune étincelante et nue, j’ai connu quelque temps ce qui, pour moi, peut ressembler au bonheur. Oui, au bonheur. Pourquoi me regardes-tu de tes yeux arrondis, avec cette bouche ouverte, et plus pâle que si, de ma vue, tu devais aussitôt mourir ? J’ai été heureux, tout cassé que je sois et vaincu, sur cette terre désolée qui me fournit à peine de quoi entretenir mon vieux corps, mais qui me dispense son souffle sauvage sans lequel je ne pourrais vivre et pour lequel j’ai fui les prairies douces et les vergers en fleurs et les chaudes plages où, nuit et jour, la mer soupire et se gonfle comme une jeune poitrine qui se soulève et s’endort. Pauvre homme. Et voilà que tu me suis, impatient, depuis plusieurs jours, à la piste, que tu t’armes pour me traquer et que tu me pourchasses cruellement tout comme une brute féroce dont tu voudrais conquérir la misérable dépouille. Ma paix et mon triste bonheur sont-ils finis, parce qu’un homme, ce soir, me contemple face à face ? Allons, réponds donc. Que me veux-tu ?”

Les collines escarpées, les pentes
des statistiques
sont là devant nous.
Montée abrupte
de tout, qui s’élève,
s’élève, alors que tous
nous nous enfonçons.
On dit
qu’au siècle prochain
ou encore à celui d’après
il y aura des vallées, des pâturages
où nous pourrons nous rassembler en paix
si on y arrive.
Pour franchir ces crêtes futures
un mot à vous,
à vous et vos enfants:
restez ensemble,
apprenez les fleurs
allez légers.

Gary Snyder, Turtle Island – 1974
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