Une campagne électorale n’a rien de bucolique. Il y est question de stratégie, de précipitation, de communication, de victoire et d’échec… Le risque est grand, dans ces méandres dont nous ne connaissons rien, de nous perdre nous-mêmes, de perdre notre chemin, notre courage, ou simplement de préférer s’asseoir un moment sur une pierre pour sentir le vent fouetter notre visage.

Mais pour garder le cap dans cette course dont nous n’avons choisi ni les règles ni la temporalité, nous sommes bien aidés. Aidés par l’évidence que ce que nous entreprenons est nécessaire ; aidés par l’audace et l’amitié ; aidés aussi par celles et ceux qui ont trouvé les mots pour dire la beauté du monde, la tragédie de sa destruction, l’absurdité de vies perdues à se gagner.

La poésie fait mauvais ménage avec les tracts et les meetings, mais s’il est question de changer l’avenir, alors elle doit avoir toute sa place. Voilà pourquoi nous partageons ici quelques-uns des poèmes, récits et images qui nous accompagnent dans cette aventure.

Les collines escarpées, les pentes
des statistiques
sont là devant nous.
Montée abrupte
de tout, qui s’élève,
s’élève, alors que tous
nous nous enfonçons.
On dit
qu’au siècle prochain
ou encore à celui d’après
il y aura des vallées, des pâturages
où nous pourrons nous rassembler en paix
si on y arrive.
Pour franchir ces crêtes futures
un mot à vous,
à vous et vos enfants:
restez ensemble,
apprenez les fleurs
allez légers.

Gary Snyder  – Turtle Island, 1974

Que c’est difficile de voir la forêt en pleurs, arbre après arbre. Et que toi, tu ne puisses même pas sécher la larme d’une seule feuille… Quand la forêt brûle, quel arbre peut se dire impartial, pour ne pas prendre feu ?

Sherko Bekas

LES ARES VERTS

Le bûcheron et sa cognée
font des trous dans la forêt
tout au bout l’on aperçoit
une scierie pour le bois

la scierie est dynamique
la scierie est prolifique
les usines poussent comme des petits pois
la foret n’est plus qu’un bois

on arrache les derniers arbres
pour que circulent les ouatures
ô promoteur urbain arrête un peu le bras
laisse aux végétariens quelques ares de square

Raymond Queneau
Battre campagne (Gallimard, 1968)